Passe-Moi la Tronçonneuse !
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 Golem de chair

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darkhan
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MessageSujet: Golem de chair   Golem de chair EmptySam 28 Fév - 11:53

La petite ombre se faufila dans les ténèbres. Seule un léger faisceau éclairait son chemin dans le noir. Ce trajet était réputé sans danger, mais pourtant quelque chose ne collait pas. Un soupçon de stress lui collait à la peau. Ou le sentiment ardent d'être suivi.
Pourtant la gamine connaissait bien ce chemin, pour le pratiquer régulièrement, presque tous les jours finalement. Et cela depuis toujours. En fait les égouts n'avaient plus de secret pour la fillette. Elle les pratiquait depuis qu'elle était capable de suivre un plan sans pleurnicher. Et à 11 ans, on pouvait affirmer qu'elle avait presque connu que ça. Dans ses souvenirs les plus lointains, elle arpentait déjà ces souterrains sombres et malodorants. Elle ne se souvenait pas avoir connu autre chose. Aucun souvenir de la surface.
Avant de disparaître, les adultes l'avaient bien formée, lui apprenant à se glisser sans appréhension dans ces boyaux puants, pour survivre une semaine de plus sous la surface. Se terrer dans le noir, n'être qu'une ombre parmi les ombres, un rat parmi les rats, une étincelle de vie à peine visible dans le silence de la nuit éternelle.
La gamine arpentait depuis près d'une heure les égouts, au milieu des rats et des eaux suintantes. Le lieu ne l'inquiétait plus depuis longtemps, ni l'odeur. Elle ressentait pas la peur, à peine une légère appréhension qui lui tiraillait le ventre à chaque fois. Le stress, disait-on. D'autres diraient la peur de disparaître.
Sa mission était essentiel pourtant : se faufiler jusqu'au grand collecteur et se brancher sur un des tuyaux d'eau potable pour remplir son jerrycan. Les adultes l'avaient surnommaient Cosette, en l'honneur de sa mission, même si elle n'avait pas vraiment compris pourquoi. Ils n'étaient plus là pour lui expliquer.
Arpenter les égouts ne représentaient pas un réel danger pour les enfants, avaient un temps assuré les adultes. Des couloirs trop petits, des boyaux trop serrés, aucun monstre ne pouvait s'aventurer là-dedans sans être coincé.
Les monstres... Cosette ne saurait dire d'où ils venaient. Les plus grands leur racontaient lors des grandes veillées qu'ils n'avaient pas toujours existé, qu'avant ils vivaient tous à la surface, en sécurité. Mais Cosette avait bien du mal à l'imaginer. Même si elle avait connu cette vie-là, elle était trop jeune pour se rappeler. Elle n'avait pas d'autres souvenirs que cette vie-là, une vie pleine d'angoisse et de privation.
La surface. Cosette en rêvait parfois. De voir le soleil,cette lumière naturelle qui inondait le monde de ses bienfaits. Elle pouvait en ressentir la chaleur dans ses rêves les plus fous. Une utopie. Comment concevoir un tel concept ? La gamine n'arrivait même pas à l'imaginer vraiment tant son esprit était bridée par son quotidien de misère. Et puis il y avait les monstres, ces monstres qui erraient à la surface, ces mangeurs de chair humaine.
Cosette frissonna à cette idée.
Elle accéléra le pas. Elle arrivait presque à destination, la partie décisive et la plus périlleuse. Parfois, un monstre finissait de se désagréger dans le grand collecteur. Il était tombé depuis la surface par un des conduits menant dehors et il ne pouvait plus regagner son monde. A moitié prisonnier de ce miasme, il ne représentait guère une menace pour un enfant prudent, comme Cosette. Mais il fallait s'en méfier tout de même. La gamine en avait vu déjà un une fois et sa silhouette torturée hantait encore les nuits précédant ses expéditions. Dans les pires cauchemars de la fillette, le visage du monstre semblait couler, fondre comme une bougie, le trou de ses yeux s'élargissant jusqu'à atteindre le bas de ses joues et former une vision d'horreur. Même les rats fuyaient cette abomination vaguement humaine, s'éloignant au plus vite de cet être. Dans ses rêves, il vagissait atrocement (à moins qu'il ne s'agissait de la mémoire de Cosette qui lui jouait des tours), tendant des bras monstrueux vers elle. En général, Cosette hurlait et tentait de fuir . Mais parfois, elle était rattrapée et elle arrivait à sentir l'haleine fétide du monstre avant que celui-ci ne se mette à la dévorer vivante, avant de se retrouver au bas de sa paillasse, toute tremblotante.

Heureusement pour elle, ces missions allaient bientôt se terminer. Elle grandissait trop vite ces derniers temps, et certains boyaux devenaient trop petits pour elle, trop dangereux. Elle risquait de ne plus pouvoir passer.
Bientôt, elle céderait sa place à un autre enfant, Debo ou Miguel. Ils avaient l'âge requis et ils étaient presque prêts. Il leur suffirait de leur montrer une ou deux fois le chemin.
Malgré le stress, malgré la peur qui lui collait à la peau, Cosette sourit. Un sourire léger, mais débordant d'espoir. Quand elle allait devenir adulte, elle pourrait envisager de passer à d'autres occupations, moins dangereuses. Se chercher un mari par exemple, sa floraison n'allait pas tarder. Il fallait repeupler le monde sous la surface, disaient les adultes. Elle ne désirait pas autre chose de plus que de devenir de ceux-là. Une grande.

Un bruit lointain la fit revenir à la réalité. Un inhabituel clapotement de l'eau. Quelqu'un ? Ce n'était pas possible. Pas ici. Cosette avait déjà du mal à se maintenir debout et elle n'était pas bien grande. Alors un monstre... Elle s'arrêta, à l'écoute du moindre bruit anormal. Autour, les ténèbres l'envahirent tandis que sa lampe frontale s'éteignit. Elle ne se rallumerait que quand Cosette marcherait à nouveau. Une sacrément bonne idée, ces lampes dont l'énergie provenait des mouvements de la fillette. C'était bien une idée d'adulte ça !
Le clapotement cessa comme il était venu. Cela devait être un rat ou une évacuation d'eau de surface. Cela arrivait parfois, quand il pleuvait trop au-dessus. La pluie, encore quelque chose que Cosette désirait connaître.
Cosette ne reprit pas la marche pour autant. Elle patienta dans le noir, retenant sa respiration pour percevoir tous les bruits des égouts.
Mais rien d'inhabituel. Cosette avança alors. Le léger faisceau se ralluma et éclaira légèrement devant elle, le tunnel envahi par les eaux sombres. Le grand collecteur n'était plus très loin. La fillette serra le jerrycan tout contre elle et avança prudemment.
Le sentiment de danger ne la quittait pour autant et luttant vaillamment contre lui, Cosette disparut dans les ténèbres.

Jamais elle ne regagna son repaire sous la surface. Elle disparut et ne parvint pas à terminer sa mission. Sa disparition fit l'objet de recherches de la part de ses compagnons d'infortune avant que ceux-ci n'acceptent sa mort. Cosette était un bon élément, très sérieuse et plus que prudente. Et pourtant... Elle fut déclarée perdue et son nom hanta un instant la mémoire de ses compagnons avant d'être inscrit sur le mur des disparus avec tous les autres. Nul ne comprenait sa disparition, surtout que son corps demeurait introuvable et qu'aucun monstre n'avait été retrouvé dans le grand collecteur. Cosette avait comme été avalée par les ténèbres. A moins qu'elle n'ait été attirée par la surface, comme un guêpe par un pot de miel. Cela arrivait parfois.
Sa disparition causa bien des chagrins dans la petite communauté, mais ils furent vite mis de côté car la survie était essentielle. Et une nouvelle mission pour récupérer de l'eau potable se préparait déjà dans les égouts de Vegas.
Les enfants de l'ombre ne pouvaient pas s'appesantir sur leur tristesse.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyDim 1 Mar - 0:36



Le mur se dressait à une dizaine de kilomètres, fier et imperturbable. Lisa pouvait distinguer à l'horizon la ligne de béton qui tranchait horriblement. Le mur était comme Lisa avait pu l'imaginer, en étudiant les plans, une longue balafre dans le paysage, une colossale réalisation inspirée par le diable. En réalité, une véritable saloperie créée par l'homme contre l'homme.
Des murs de ce type, Lisa avait pu en voir se dresser au cours de sa longue existence. Pour séparer des villes, des communautés religieuses, pour amener une paix relative dans un monde qui n'en avait pas plus besoin que ça auparavant. Tout ce dont le monde avait besoin était de communiquer, d'échanger, pas d'un rempart entre l'incompréhension.
Mais ce mur-là était encore pire : c'était la chienlit, le déshonneur d'une nation envers ses citoyens, une mascarade totale.
C'était la première fois que Lisa l'apercevait réellement, mais elle avait eu l'occasion de l'étudier au cours de son emprisonnement dans l'abri 313. Nul ne pensait qu'elle allait partir un jour, l'abri représentait la sureté, la sécurité face à aux hordes d'infectés qui avaient envahi le pays. Alors pourquoi ne pas la laisser étudier sa prison ? Mais ils s'étaient tous trompés, Eisenheim s'était fourvoyé : Lisa n'aspirait qu'à vivre libre. Même à la surface, au beau milieu du danger. Tout plutôt que rester le jouet d'Eisenheim.
Pour Lisa, l'humanité était morte dans cet abri. Il n'en restait plus que des ombres lascives, des âmes perdues qui se raccrochaient à un semblant de vie sans honneur. Comment accepter d'appartenir à l'élite survivante tandis que le reste de l'humanité se mourait dans les ruines de la civilisation ?
Les plus courageux se donnaient la mort, les autres, acceptant bon gré mal gré leur sort, devenaient des monstres d'inhumanité, s'accrochant à ce semblant de vie.
Lisa, prisonnière de ce monde de fou, avait cru mourir, elle l'avait souhaité tous les jours, jusqu'à faire abstraction de sa propre existence et n'être qu'un zombie décérébré. Elle avait souhaité mourir et elle avait trouvé la force de renaître, tel le phénix de ses cendres. Eisenheim avait cru l'asservir et elle l'avait tué. La vengeance l'avait maintenue en vie, lui avait permis de faire abstraction de ces heures de torture mentale et physique que ce salopard lui avait infligées.
Jusqu'à ne plus exister.
Il avait fait d'elle un monstre : elle lui avait rendu la monnaie de sa pièce, rendant coup pour coup. La loi du talion dans son intégralité. Et ce qu'elle avait laissé de ce salopard n'arrivait pas à la satisfaire.
Jamais elle n'aurait pu tout lui faire tout payer. Même désormais, alors qu'il faisait de pourrir dans l'abri 313, assis sur sa trône de chair, Lisa trouvait son châtiment trop doux.
Et maintenant le mur. Son objectif pour s'évader de ce monde et retrouver le sien.

Enfermer les survivants dans le désert du Nevada avait été une idée à la con. Indéniablement. Enfin, quand Lisa pensait aux survivants, elle songeait surtout à l'élite. Le Président et tout ceux qui avaient été désignés comme utiles. Des scientifiques, des soldats... Les autres, qu'ils aillent crever ! Quelle philosophie...
Lisa avait eu son intérêt un temps. Ses talents en biochimie et en chirurgie moléculaire, ses recherches sur le vieillissement cellulaires...
Mais aussi sa malédiction, la part sombre de son âme. Elle avait pris des décennies à vivre avec et Eisenheim avait tout brisé en réveillant la bête en elle.
Quitter ce monde, passer au-delà du mur de la honte, et une nouvelle chance s'offrait à elle. Oublier les blessures de son âme, laver son impureté dans des actes de contrition. Elle leur devait bien ça, à tous ceux qu'elle avait trahi. Garrison, Kat, Miller... Chaque fois qu'elle fermait les yeux, Lisa revoyait leurs visages. Ils la hantaient depuis si longtemps déjà. Cinq années, pas encore assez long pour oublier. Si elle désirait oublier... Ils étaient sûrement tous morts depuis tout ce temps. Comme le reste de l'humanité. Mais elle avait espoir de leur offrir le repos de l'âme, en réussissant là où ils avaient tous échoué.

Lisa avala une dernière gorgée. L'eau dans sa gourde était chaude, presque imbuvable. Pourtant il fallait qu'elle boive. Le soleil tapait fort ces derniers temps. Il faisait toujours chaud dans le désert du Nevada, mais Lisa avait l'impression qu'un pont jusqu'en enfer s'était récemment ouvert et que s'y déversaient des flots de moiteur. Il fallait avouer qu'après avoir vécu cinq années dans un abri climatisé à l'air recyclé, le bouillonnement de l'atmosphère de la surface était presque nouveau pour elle. Et étouffant.
Lisa marchait en général la nuit, se fondant avec l'obscurité pour éviter les hordes d'infectés qui se déplaçaient en masse. Quand Lisa voyait ces essaims grouiller dans les ténèbres de la nuit, elle ne pouvait pas s'empêcher d'ironiser sur l'inutilité du mur. Il avait été construit pour contenir les infectés en deçà, et désormais ils faisaient plus qu'abonder, régnant sur le désert autant que dans le reste du pays. Cet espace devait être le lieu de renaissance de l'humanité, il était devenu une nécropole où les dernières poches de survivants bataillaient pour un jour de plus. Le désert du Nevada était devenu un mortel no man's land, surnommé l'Outre-Monde par ceux qui s'y accrochaient sans savoir qu'il existait autre chose, ailleurs.
L'énorme pylône qui lui offrait un peu d'ombre en cette chaude journée appartenait au dispositif de sauvegarde. C'était l’œuvre technologique de la MT Corporation, Lisa en avait étudié la construction. Ces pylônes longeaient le mur sur tout le long, c'est à dire des centaines de kilomètres. Ils étaient censés émettre des ondes repoussant les survivants relâchés dans le désert. Pour l'expérience... Renaissance. Lisa avait œuvré en ce but, manipulant génétiquement les "volontaires", avant de les relâcher dans le désert. Programmés pour survivre, récréer un semblant d'humanité dans un monde condamné. Sa plus belle réussite, Néo, lui avait échappé. Leur avait échappé. Mais ces pylônes devaient l'empêcher de quitter le désert. Il avait été programmé pour ne pas dépasser cette ceinture, ne jamais s'aventurer au-delà, pour les besoins de l'expérience.
Du moins jusqu'à maintenant : Lisa avait décidé que tout devait changer. Elle jeta un dernier coup d’œil sur l'intérieur du pylône. Un circuit imprimé flanqué de la marque de la MT Corp. semblait palpiter. Les derniers battements de cœur d'une créature en proie à la terreur. Lisa vida le reste de sa gourde sur l'ensemble et un violent crépitement mit fin à la misérable existence du système. Pour la première fois depuis longtemps, Lisa eut le sentiment d'être libérée du poids de la honte. Elle jeta un coup vers la ceinture de pylônes et elle crut apercevoir un arc électrique jaillir de chacun d'entre eux avant de mourir lamentablement. Et cela sur des kilomètres.
Adieu les dernières traces de son infamie. L'Outre-Monde n'était plus qu'un souvenir, désormais un monde nouveau s'ouvrait aux survivants.
Mais l'espoir existait-il au-delà du mur ? Le monde n'était-il qu'une nécropole qui n'attendait que les derniers survivants pour mieux les dévorer ? Avait-elle condamné les derniers hommes à mort ?
Lisa chassa les idées noires qui l'envahissaient et rangea sa gourde. Vaux mieux mourir debout que vivre à genoux, disait l'adage. En cela, elle ne pouvait pas s'en vouloir de leur laisser pour une fois le choix de leur existence.

Si elle marchait bien, elle pensait arriver au mur un peu après la tombée de la nuit. Mais celui-ci demeurerait infranchissable. Il avait été prévu pour cela, un rempart, sans aspérité, ni passage. Un long mur qui séparait deux mondes. Lisa savait pourtant où le passer : Vegas, seul accès vers la liberté. Elle n'avait qu'à suivre la cicatrice de béton vers le nord et tôt ou tard elle allait arriver en vue de Vegas.
Et son espoir d'une autre vie.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 2 Mar - 13:20

La nuit était tombée depuis plus de deux heures quand Lisa atteignit le mur. Avec les ténèbres était arrivé le froid.
Et les infectés.
Pour une raison qu'elle ignorait, ces derniers étaient plus actifs la nuit. Comme si la chaleur accablante du jour les maintenait dans une certaine léthargie. La nuit, par contre, ils se déplaçaient en masse et inondaient de leur multitude les poches de survivants qui poussaient çà et là.
Quand Lisa se trouvait toujours dans l'abri, elle avait pu observer en détail ces mouvements de groupe. Si leurs déplacements semblaient à première vue aléatoires et totalement irréfléchis, après mûres réflexions, Lisa et les autres observateurs - des scientifiques tout comme elle - avaient trouvé des similitudes avec le mouvement des bancs de poissons ou des nuées d'oiseaux. Des groupes sans chef et sans ordre, mais se déplaçant avec une précision et une discipline presque parfaites. Sur les écrans, c'était un spectacle fascinant, mais en réalité il demeurait plus qu'effrayant : ces milliers de monstres formant un seul nuage tournoyant, homogène, jaillissant de nulle part et ravageant tout sur leur passage. Un spectacle aussi grandiose que mortel. Un troupeau de morts-vivants côte à côte, comme un seul et gigantesque être difforme.
La horde.
Nul n'avait su expliquer scientifiquement ce mouvement irréfléchi et pourtant si coordonné. Si, dans la nature, le courant d'air créé par un oiseau migrateur pouvait indiquer sa place à la suivante lors des migrations de la colonie, rien n'expliquait l'organisation de ces milliers d'êtres décérébrés en un seul mouvement. Leurs déplacements ont été numérisés, analysés sous toutes les coutures par toute l'équipe scientifique de l'abri des heures durant. Leurs formes, leurs vitesses, leurs changements furent soumis à des règles précises, à des logarithmes mathématiques rigoureux. Et pourtant... Ces comportements collectifs demeuraient incompréhensibles et imprévisibles.
Ils se produisaient paradoxalement avec des règles relativement simples. Essentiellement, il s'agissait de s'aligner avec son voisin. En plein milieu de la nuit, le signal provenait d'un infecté qui commençait à avancer dans une direction au hasard. En général, il hululait de ce babillage si caractéristique, que certains soldats avaient surnommé non sans crainte, le chant des sirènes ou le chant de la mort. L'infecté était aussitôt imité par tous les autres monstres les plus proches et cela se propageait très rapidement porté par le vent. Jusqu'à former cette masse cohérente, cette vague de corps en putréfaction qui inondait le désert.
Si dans la nature, cette technique animale est surtout destinée a échapper aux prédateurs. En ce qui concerne les infectés, tout demeurait très différent : déjà parce qu'ils étaient les prédateurs. Le secret de ces ballets sauvages n'était donc pas une question de survie. Le manque de nourriture n'était pas une condition de survie de ces créatures. Alors pourquoi ce rite ?
Les dernières conclusions s'accordaient à envisager l'existence d'une conscience collective supérieure qui régissait les infectés et leur imposait cette concentration. Une intelligence primitive et implacable qui se mouvait dans les ténèbres, ses yeux posés sur le désert. Mais il était bien entendu impossible de prouver l'existence d'un tel être.
Lisa qui en savait plus, s'était bien gardée d'en parler, même dans les pires moments de sa détention. Ce secret devait rester en elle, à tout prix. Elle se l'était juré. Même quand elle était en manque, qu'elle souffrait dans toutes les moindres parcelles de son corps torturé, qu'elle aurait été capable de tout vendre, son corps, son âme pour une dose, juste une dose. Elle n'avait rien raconté. Elle avait conservé en elle, dans son jardin secret, cet ultime souvenir, cette sensation étrange quand elle avait frôlé cet univers parallèle, le monde de Morddigian.

Son âme avait été ce jour-là marquée au fer rouge. Tout comme son corps à l'orée de la mort. Elle avait assisté à la renaissance d'un macrocosme infernal, un lieu diabolique gouverné par ce démon antédiluvien, Morddigian. Et même si Lisa ne l'avait plus revu depuis qu'elle s'était inoculé le germe de destruction, Lisa savait qu'elle n'avait pas divaguait à l'approche de la faucheuse. Elle sentait qu'Il était là, en elle, qu'il ne l'avait jamais quittée, toutes ces années. Juste une présence à peine, en filigrane.
Pour Lisa, quelle autre entité supérieure pouvait guider les infectés vers ces œuvres de destruction si ce n'était ce maudit démon ? Il agissait, tel le marionnettiste, œuvrant lentement mais sûrement.

Lisa parcourut les derniers cents mètres en courant. Elle savait qu'elle devait atteindre le mur au plus vite. Sinon, elle deviendra une proie. Rapidement mais discrètement. Pour ne pas se faire remarquer. Sa marche dans le désert en plein jour l'avait épuisée, ses muscles irradiaient de douleur tant la soif et la rigueur de sa marche les tétanisaient. Elle retint en elle les gémissements de souffrance que lui arrachait chacun de ses pas.
Tenir, il fallait tenir.
Cette souffrance n'était rien par rapport à toutes celles qu'elle avait endurées ces dernières cinq années. Des plus acérées, de celles qui laissent des traces au-delà du physique, qui vous marquent le corps aussi bien que l'âme. Au fer rouge.
Et malgré la douleur, malgré ses muscles tétanisés et l'envie de tout abandonner et de se coucher à même le sol, sur le sable, Lisa parvint tout de même auprès du mur.
Enfin !, eut-elle envie de hurler à la face de la lune qui l'observait. Mais elle se retint. Faute de salive, faute de force. Et elle devait encore se cacher, disparaître pour la nuit.
Et comme un petit animal effrayé trouverait réconfort dans le giron de sa mère, elle se blottit dans un des creux du rempart de béton, se lovant pour se fondre aux yeux du monde. Du moins pour les profanes.
Et les infectés.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 2 Mar - 23:14



De son vivant Orson Links arborait la même bonhomie que le commissaire Dobey dans Starsky et Hutch. La même moustache, la même carrure, mais avec quelques centimètres de plus de tour de taille. C'était une vraie montagne, plus de graisse que de muscles (mais personne n'osait le lui dire en face)et il avait avec le même air renfrogné et la même moustache fine que le dit-personnage dans la série. Mais la ressemblance s'arrêtait là. S'il adoptait la même silhouette, il n'avait rien du tout de commun avec le commissaire Dobey ! Sur son lieu de travail - il livrait des colis pour UPS- c'était peu dire que ses collègues ne l'appréciaient guère. Son manque de chaleur et ses propos virulents contre les syndicats en effrayaient plus d'un. Paradoxalement il n'était même pas aimé de sa hiérarchie qui ne voyait en lui qu'un élément trop fort en gueule et totalement dépourvu d'intérêt, si ce n'était sa capacité à s'en charger des colis encombrants dans des quartiers dits difficiles de Denver. Ce qu'on pourrait appeler des livraisons périlleuses. Il en imposait tellement avec sa forte corpulence qu'il refroidissait les ardeurs de plus d'un et calmait tout net les récalcitrants.
Il faut dire qu'Orson détestait tout le monde et qu'il n'hésitait pas à parler avec les poings si le besoin se faisait sentir. Sa haine était à son maximum quand il s'agissait des syndicats, ces pseudos-socialistes bien blancs qui rongeaient le prolétariat noir en maintenant leurs salaires vers le bas. Dans sa tendre enfance, Orson avait vu son père, syndiqué, se levait toutes les nuits pour une misère. Et il défendait ses patrons en plus !! Orson l'avait vu dépérir à partir du jour où il fut renvoyé, sous un prétexte fallacieux. Mais lui, Orson, lui savait que la raison, c'était sa couleur de peau. On ne paye pas la retraite à un type comme son père. On le laisse crever. Un homme de couleur n'a pas droit à la vie qu'il mérite dans ce pays, Orson le savait depuis toujours.
Quand son père est mort un matin, le chagrin plein l'âme, la pauvreté accrochée à ses basques, Orson rentra dans une telle rage qu'il fallut pas moins de quatre hommes pour l'arrêter. Et une bonne dose de calmant, assez pour assommer un éléphant.
Après un séjour en prison, une prison pleine de noirs, bien entendu, il retrouva sa liberté et put s'insérer dans la société. A sa place, c'est à dire en bas de l'échelle dans ce monde de blancs. La prison n'avait pas rendu cet homme moins aigri. Loin de là. Elle avait fait de lui un être où couvait la colère, une colère qui menaçait à tout instant d'exploser.

Quand l'apocalypse frappa le pays, que les infectés déferlent sur le monde des blancs, Orson crut un instant que c'était l'heure de sa revanche, que les Blancs allaient tous payer pour toutes les fautes qu'ils avaient commis, qu'il existait un dieu pour les Noirs.
Triste désillusion. Surtout quand Orson se rendit compte que les infectés frappaient aussi bien les Blancs que les Noirs...
L'Armée enrôlait en masse pour lutter contre cette monstruosité. Orson s'engagea tout naturellement, une telle force de la nature ne pouvant pas être ignorée par les militaires. Et lui trouvait un moyen de laisser échapper sa colère sur des Blancs. Même si avec le temps, leur couleur de peau tendait vers le vert-de-gris.
Mais là aussi sa haine des Blancs fut attisée, ces derniers toujours à l'arrière et les Noirs au charbon.
Bien entendu Orson se faisait des idées mais qu'importe désormais puisque le dénommé Orson trouva la mort en première ligne. Il combattit vaillamment, écrasant plusieurs crânes sous ses poings rageurs avant de tomber sous les assauts répétés de dizaines d'infectés.
Son caractère agressif ne disparut pas avec la mort. Bien au contraire. Réminiscence de son ancienne vie, il repoussait sans vergogne ses compagnons putréfiés pour mieux se nourrir.
Son histoire pourrait se terminer là si le dénommé Orson, attiré par maintes et maintes fois par des proies, ne vint à télescoper notre propre récit quand un matin il fut captivé par quelque chose qu'il n'arrivait pas à cerner. Un mystérieux appel. A l'instar de dizaines de milliers d'autres infectés, il entreprit une longue marche vers l'ouest, vers le Nevada.
Un exode de près de 900 miles.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyMer 4 Mar - 13:34



A l'aube du 5ème jour de son périple, Lisa fut réveillée par un grondement inattendu, le genre de bruit qu'elle ne pensait plus entendre, plus jamais. Les pales d'un hélicoptère, cela faisait si longtemps. Ainsi, il existait encore un semblant de civilisation, quelque part ?
Elle fut sur pied le plus rapidement possible, émergeant de sa cachette en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Lisa perdit toutefois quelques précieuses secondes pour apercevoir l'engin dans le ciel. L'hélicoptère volait très haut, il n'était qu'un point au milieu des nuages et filait à toute vitesse vers le sud. Lisa n'avait aucune chance d'être aperçue.
Était-ce vraiment ce qu'elle souhaitait ? Ces dernières années, l'espèce humaine n'avait pas été ce qui était le mieux pour elle. Retrouver l'armée et subir l’illogisme de son commandement, c'était encore trop tôt pour Lisa.
Ce serait pas pour tout de suite.
Toutefois ce réveil pour le moins surprenant la requinqua et lui redonna le semblant de hardiesse qui lui manquait tant depuis quelques jours. La faim - la vraie - recommençait à la tirailler et avec, le poids de ses remords. Son dernier repas correct datait d'il y avait près d'une semaine, une charogne à peine faisandée. Une bestiole quelconque, du moins elle l'espérait.
Depuis elle se nourrissait de gros vers blancs, ceux-là mêmes qui grouillaient dans le sable. Ils n'existaient pas avant, ils étaient une aberration - une de plus - de la nature. Lisa avait toujours songé qu'ils étaient apparus après les premiers bombardements. Conséquences directes des radiations. Elles n'avaient pas éliminé les infectés mais en plus ça avait crée ça.
Nonchalamment Lisa gratta la surface du sol et en extirpa un gros ver blanc. Un énorme mesurant bien 20 cm de long et de l'épaisseur d'un bel auriculaire. Son apparence était répugnante, il aurait donné envie de vomir à n'importe qui. On pouvait apercevoir sous sa peau diaphane les circonvolutions de son système sanguin primitif. Mais Lisa n'en était plus à ce point. Elle avait vu beaucoup d'autres et de bien pire.
Et elle en fit sans remords son petit déjeuner du petit être gorgé d'eau.
Le désert vivait ces derniers jours de calme ce matin-là, et même si Lisa le soupçonnait, elle ne pouvait pas imaginer les conséquences de la destruction des pylônes. Cela avait engendré une réaction en chaîne dans tout le reste du pays que Lisa n'avait pas envisagé de prime abord.
Elle n'avait souhaité que libérer tous ces pauvres gens qui voyaient dans le désert leur unique monde, de fuir et de reprendre leurs droits sur les États-Unis. Même s'ils en n'avaient pas encore conscience.
Elle leur devait bien ça.
Mais elle avait déclenché une véritable révolution dans le monde post-Armageddon.

Après son repas plus que frugal, l'estomac rassasié pour un temps, Lisa se pencha pour ramasser ses maigres possessions : un couteau à la lame émoussée, une boussole pour enfants et un briquet. Pas de quoi pavoiser.
Lisa avait tout perdu, l'équipement qu'elle avait soigneusement préparé lors de son évasion de l'abri 313. Tout. A cause d'un petit voleur de pacotille, qui s'était bien joué d'elle. Elle n'était pas crédule il représentait l'espoir pour Lisa. Mais il lui avait sans vergogne dérobé tout son sac. Pour un peu, elle lui aurait aussi laissé la vie, si elle n'avait pas fui, abandonnant toutes ses affaires à ce salopard.
Et tous ses souvenirs.
Même son carnet, son précieux carnet renfermant les notes qu'elle tenait depuis si longtemps, elle l'avait laissé.
Pas d'autre choix.
A son plus grand regret. C'était comme si elle avait abandonné une partie de son être, de sa chair. Il y avait tout dedans, les derniers moments passés avec ceux qu'elle avait considéré comme ses amis. Ses dernières conversations avec Garrison... C'était un élément précieux de sa vie qu'elle avait perdu là. Sans aucun espoir de le retrouver.

Ses affaires récupérées, Lisa reprit sa marche vers Vegas.
C'est alors qu'ils apparurent.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 9 Mar - 8:43

Ce furent d'abord les croassements des corneilles qui alertèrent Lisa. Des rires démoniaques dans cet aube morne. Ensuite le bourdonnement. Les mouches, les serviteurs du dieu chair, dont les innombrables nuages trahissaient la présence de leur mets de choix.
Puis enfin, ILS apparurent, silhouettes torturées se découpant au loin comme autant d'ombres menaçantes. Leur démarche hésitante déplaçait tant de volutes de poussières que cela obscurcissait presque l'horizon. On aurait pu faire croire à une tempête de sable, s'il n'y avait les gémissements. Les râles emplissaient vite la zone de leurs murmures assourdissants. Le pire était l'odeur de la chair tannée par le soleil, une puanteur innommable, empoisonnant l'air de sa présence fétide. L'atmosphère semblait en être chargée jusqu'à plus soif.

Il y avait combien d'infectés ? Lisa n'aurait pas su répondre tant la horde était importante. Jamais elle n'en avait vu autant en pleine journée, sauf peut-être à Dallas, dans les premiers temps. Mais ça c'était dans une autre vie. Jamais autant dans le désert. Ils avançaient tous uniformément, monstre chthonien et protéiforme, serpent gigantesque qui se fragmentait en tentacules autonomes, douées de vie propre pour s'étendre encore plus à la recherche de proies éventuelles.

Comme si elle faisait face à une bête sauvage, Lisa ne fit d'abord aucun mouvement brusque. Puis elle s'accroupit, doucement, très doucement, faisant glisser son dos le long du mur. Elle espérait que les yeux morts n'allait pas l'apercevoir, sa tunique épousant presque les mêmes teintes que le béton. Puis elle se souvint que les infectés ne voyaient pas ! Une seule erreur et c'en était fait d'elle.
La horde approchait inexorablement de sa position. Pourtant Lisa était certaine qu'elle n'avait pas été vue. Elle se recroquevilla encore plus, ne formant plus qu'une avec le mur et le sable accumulé depuis des années.
Cela pouvait le faire, ça devait le faire. Laisser passer la horde, demeurer invisible.
Lisa serra plus fort son couteau. Que pouvait-elle espérer faire contre un tel nombre d'infectés ? Rien de bon, c'était certain, mais elle n'allait pas rester là sans rien faire.
De sa position, elle vit soudain le monstrueux ver de chair onduler comme sous l'effet du vent et prendre la direction du sud. Vegas, ils se rendaient à Vegas !!
La cohorte poursuivit sa marche pendant près d'une demi-heure qui sembla une éternité pour Lisa. Les infectés s'approchèrent plusieurs fois si près de sa cachette qu'elle craignit qu'elle allait être découverte. Mais il n'en fut rien, les monstres bifurquaient à chaque fois pour mieux longer la balafre de béton. Leurs regards restaient fixés vers le sud, comme si un mystérieux appel les attirait vers Vegas. De sa cachette, Lisa prit le temps d'observer les infectés. La plupart étaient plutôt anciens. Leurs vêtements avaient depuis longtemps disparu, ou bien il n'en restait que de rares lambeaux méconnaissables qui flottaient au gré du vent. Dans leur nudité morbide, il était bien difficile de distinguer les hommes des femmes. Dans une espèce d'égalité dans la mort, ils étaient tous semblables, égaux pour la première fois. Leur peau avait été tellement tannée par le soleil qu'elle ressemblait à du cuir brun. L'ensemble était tendu sur les arêtes de leur squelette jusqu'à former des pics acérés sur leurs silhouettes torturés. Ils ressemblaient à ces momies difformes retrouvées parfois dans des caches improbables, des êtres pétris sans soin par les affres de la mort. La décomposition avait fait son œuvre depuis longtemps sur ces corps, dévoilant çà et là des perforations au niveau du bas-ventre, mais il ne demeurait plus rien à l'intérieur, qu'un vide abyssal, un néant angoissant à demi recouvert de cuir tanné.
La mort, dans son infinie sagesse, avait fait de ses serviteurs des êtres semi-divins, résistant aux affres du trépas par une détérioration minimaliste des corps. Les cadavres se mouvaient encore, dans des postures à la limite du grotesque, mais ils avançaient encore et toujours. Méthodiquement. Nul ne semblait pouvoir les arrêter, ni le soleil, ni la soif, ni la faim. Ces infectés, que Lisa avait plutôt envie de qualifier de mort-vivant, n'avait plus rien d'humain, même dans le trépas. Ce n'étaient plus que des macchabées guidés par leurs instincts, des marionnettes dans les mains d'un être vil et fou. Des êtres décérébrés qui avaient malgré tout réussi à conquérir le monde.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyJeu 12 Mar - 8:54

Le gros de la horde venait de disparaître au loin. Elle avait poursuivi, imperturbable, sa marche vers le sud.
Lisa avait échappé au pire. Pour le moment.
Cependant, tandis que les derniers infectés passaient devant elle, une réalité tout autre s'était offerte à son esprit : Vegas devait grouiller anormalement de morts-vivants ! Pour une raison qu'elle ignorait, tous ces monstres se dirigeaient là-bas. Ils ne devaient sûrement pas être les seuls... Les larges avenues de la ville devaient littéralement infester de cette marée inhumaine. Cela n'allait pas arranger sa mission. Surtout si elle devait tomber sur d'autres hordes de ce type en plein journée. La nuit, elle pouvait encore jouer avec les ombres. Mais le jour...
Lisa rageait intérieurement mais aucun autre choix ne s'offrait à elle pour échapper au désert. Vegas représentait l'unique point de passage vers le reste du pays, le mur demeurerait infranchissable pour elle autrement. Il lui suffisait de trouver un véhicule en état de marche et c'était bon. Même si dans le moment de doute, il lui arrivait de croire qu'il ne devait pas en rester beaucoup après cinq années d'inactivités. Par contre, ce qui dérangeait fortement Lisa, c'était que du même coup, les hordes de morts-vivants allaient se diriger vers ce même point de passage vers le reste du pays.
Mais est-ce que cela allait vraiment changer grand chose ?
Restait-il encore des survivants au-delà du mur ?

Lisa se releva doucement, les muscles ankylosés après être si longtemps restée recroquevillée. Les crampes lui arrachèrent une vilaine grimace puis ses jambes meurtries lui échappèrent et elle se retrouva à quatre pattes, le souffle court dans le sable. Le sang circulait à nouveau dans ses pieds mais cela restait assez douloureux. Elle avait l'impression que ses jambes étaient sous anesthésie et se relever était une véritable gageure dans le sol meuble. Étant dans l'incapacité de tenir debout seule, elle utilisa d'abord le mur pour essayer de se maintenir tant bien que mal debout avant d'abandonner. Elle se rassit alors dans un râle de douleur et se déchaussa ses bottines. Ses pieds étaient dans un sale état : de nombreuses cloques dont la plupart avait éclaté, ornaient la paume de ses pieds. Le pus s'était répandu en masse dans ses chaussettes, les rendant collantes et malodorantes.
Il lui aurait fallu de précieuses minutes pour soigner tout ça ainsi que de masser ses muscles endoloris et permettre ainsi au sang de circuler correctement.
Elle ne les eut pas.

Alors qu'elle haletait, observant ses pieds meurtris, un grognement inattendu la fit émerger de ses pensées. un infecté se tenait là, malingre et grimaçant, à quelques pas de sa position.Il traînait sa jambe droite derrière lui ave frénésie comme on traîne un boulet. Sa patte folle avait une orientation pour le moins inhabituelle et l'infecté s'en servait plus pour ne pas tomber par terre que pour avancer. A l'aide de sa jambe valide, il avançait lentement tout en tendant deux bras décharnés vers Lisa dans l'espoir de l'attraper au plus vite. Comme les autres infectés, il n'avait réellement plus rien d'humain. Cinq années dans le désert avait fait de lui un être squelettique, dont la peau ressemblait plus à une vieille toile tendue sur une voiture de collection qu'à autre chose. Elle semblait flotter sur lui, cape de chair décrépie aux relents de mort.
A partir du moment où l'infecté avait aperçu Lisa, il avait accentué sa marche, voyant en elle un moyen de compenser la faim qui lui dévorait les tripes.
Mais un mort ressent-il vraiment la faim ?
A chacun de ses mouvements rapides, sa peau tendue à l'extrême se déchirait aux articulations. Lisa eut soudain la vision de la peau d'un poulet grillé qui croustille sous la dent et qui se casse quand on découpe l'animal avant de le servir à table. Sauf que là, la peau ressemblait plus à du parchemin qu'à un plat de choix pour les gourmets.
Lisa se releva avec peine, dégoûtée de s'être fait surprendre dans une telle position. Elle aurait dû patienter quelques minutes de plus, elle le savait. Mais elle n'y tenait plus. Ses muscles l'avaient tellement fait souffrir. Ses pieds s'enfoncèrent un peu dans le sable chaud, Lisa crut sentir les grains de silice s'agglutiner autour de ses plaies suintantes. Elle s'empara du couteau à sa ceinture et légèrement en déséquilibre, elle se prépara à recevoir l'assaut du monstre décharné.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 16 Mar - 8:57



Le corbeau poussa à nouveau son croassement sinistre. Le maudit volatile ne craignait pas les gestes désordonnés de Lisa pour l'effrayer. Bien au contraire. A chaque fois, l'oiseau tendait la tête en avant pour essayer de pincer la main qui s'agitait vainement devant lui.
Accroupie à côté du cadavre momifié de l'infecté, Lisa s'échinait depuis de longues minutes à l'écorcher proprement. Mais les assauts de la bestiole finirent par l'énerver, et dans un geste chargé de colère, elle arracha brutalement la tête de l'infecté avant de la balancer en direction du vorace oiseau.
- Tiens, étouffe-toi avec, saloperie !
Le corbeau évita d'un coup d'ailes le crâne à demi écorché avant de sautiller jusqu'à lui et de le picorer avec avidité.
Lisa observa à peine son petit jeu et retourna à sa tâche avec un peu plus de sérénité.

Éliminer l'infecté avait été d'une simplicité élémentaire. Malgré les crampes dans ses jambes, elle avait su éviter l'assaut du monstre, en glissant sur le côté avant d'enfoncer son couteau dans le crâne de l'infecté. La lame était rentrée comme dans du beurre, brisant os et réduisant en bouillie la cervelle. Un coup bref et la tête avait pratiquement un tour sur elle-même et le mort-vivant avait chu au sol. Lisa s'était aussitôt glissée sous le cadavre car d'autres infectés arrivaient vers sa position.
- A croire que tous les morts du coin se sont donnés rendez-vous ici, avait ironisé Lisa du bout des lèvres. Mais la vérité n'en était pas si éloignée. Les infectés, d'abord attirés vers Vegas comme tous les autres auparavant, firent toutefois un écart vers Lisa. Sans pour autant l'apercevoir. Dissimulée de longues minutes sous le cadavre du monstre, au beau milieu des infectés qui grouillaient autour de sa position, c'était là qu'elle avait eu son idée de génie.

Un claquement proche de celui qu'on pourrait faire avec un élastique détourna Lisa de ses pensées. Le corbeau avait attrapé dans son bec un long morceau du cuir chevelu de l'infecté. L'oiseau tirait fort dessus pour la détacher du crâne, mais il y avait de la résistance. La peau tendue à l'extrême, claquait alors quand le corbeau la relâchait comme un élastique tendue. Lisa esquissa un sourire, se retenant avec difficulté de ne pas rire.
- C'est dur hein ? Pas facile de bouffer ça ?! Compte pas sur moi pour te faciliter la tâche.
L'oiseau croassa violemment comme pour répondre aux moqueries de Lisa par une insulte. Mais Lisa ricana doucement et se remit au travail.
A chaque fois qu'elle parlait, le son de sa voix l'étonnait presque. Ces derniers temps, parler était un luxe qu'elle ne pouvait se permettre. Et parler à qui d'ailleurs ? Lisa veillait à ne pas parler toute seule, de peur de sombrer dans la démence plus rapidement que prévu. Mais si elle sentait qu'elle avait déjà un pied dans la folie.
Souvent elle se surprenait à se donner des ordres ou s'insulter tandis qu'elle préparait son camping le soir. L'horreur de la solitude.
Dès lors, elle mettait un point d'honneur à ne pas tenir fermée sa bouche. La présence du corbeau lui permettait de passer outre et elle pouvait parler à quelqu'un tout en effectuant sa sale besogne.
- Allez râle pas. Moi aussi, je galère. T'inquiète pas.
Et elle enfonça sa lame de la base du cou qu'elle fit glisser jusqu'à l'entrejambe du monstre. Sa peau avait l'aspect du cuir mais aussi sa résistance, si bien que Lisa termina sa tâche en se servant de son couteau comme une scie. Mais alors émoussée sa scie ! L'effort était dantesque sur au niveau de l'abdomen. Et sous le soleil ardent, Lisa souffrait, suant à grosses gouttes. La soif la tiraillait. Il fallait qu'elle se dépêche.
Dans le bas-ventre de l'infecté, elle retrouva les restes de ses organes. Ces derniers, bien qu'ayant explosé sous l'effet des gaz lors de la décomposition, s'étaient agglomérés en un empilement grotesque à l'intérieur du niveau du bassin. Ces connaissances scientifiques lui permirent d'en reconnaître quelques-uns mais la plupart était trop délabrés pour être véritablement reconnaissables. Ce n'étaient plus que des lambeaux secs où s'accrochaient encore quelques vers vigoureux. Lisa attrapa l'un d'entre eux, qui se tortilla avec véhémence puis elle le lança au corbeau. Il ne fut qu'une bouchée de ce ver énorme et quelques instants plus tard, le volatile n'était plus tout seul : trois autres de ses congénères sautillaient autour de Lisa en croassant bruyamment dans l'espoir de se repaître de ce mets de choix.
- C'est bon, les gars ? Vous avez de l'argent ?
Lisa attrapa un autre ver et le lança non loin des oiseaux, qui se jetèrent avidement dessus en croassant encore plus fort. Ce qui eut pour effet d'en attirer d'autres, encore et encore. Et quand finalement Lisa avait terminé sa besogne, c'est à dire débarrasser le cadavre de l'infecté de sa peau, un tapis de plumes noires recouvraient le sol autour d'elle.
- Question discrétion, les gars, c'est plutôt raté. Mais au moins, vous ne m'ennuyez plus.
Débarrassé de son squelette et de tout ce qui pouvait gêner Lisa, la peau de l'infecté n'était plus qu'un sac vide flottant au vent. Lisa se releva et s'éloigna du corps du mort-vivant. Aussitôt, une nuée de corbeau se jetèrent sur les restes, enfonçant leur bec dans la chair à vif du monstre. Lisa, ignorant totalement leurs croassements et les combats à coups d'ailes que cela déclencha, amena à elle la peau écorchée avant de l'enfiler comme un manteau, glissant ses bras dans les trous qu'elle avait fait à la place des propres membres de l'infecté.
- Ça vous plaît les gars ? C'est moi qui l'ait fait !
La peau tannée revêtait Lisa comme un immense pardessus. Les jambes flottaient autour des siennes, mais cela n'était pas grave. L'infecté avait été de son vivant plus grand que Lisa. Même dans la mort, sa peau bien que contractée, demeurait bien trop grande. Mais cela convenait parfaitement. Lisa finit de se glisser à l'intérieur sans le moindre souci en enfilant la peau du crâne sur sa propre tête. Même s'il manquait des lambeaux de peau sur son visage, l'illusion était parfaite. Elle était un infecté.
Elle était prête à avancer jusqu'à Vegas désormais.
Son ventre se mit à gargouiller. Était-ce à cause de ce qu'elle venait de faire ? Lisa s'humecta les lèvres qu'elle tapota à l'aide de ses doigts. Elles étaient si sèches...
Lisa s'empara de son couteau, qu'elle cacha dans son dos. Et se tournant vers les corbeaux, elle murmura d'une voix mielleuse :
- Et dites les gars, venez voir Tata Lisa. J'ai autre chose à vous offrir...
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyVen 20 Mar - 8:47



La viande était sèche et dure à mâcher. Son arrière-goût était plus qu'immonde et c'était tellement salé que Lisa avait l'impression de sucer un bloc de sel. Mais cela lui suffit pour caler un temps l'estomac. Elle avait besoin de forces car le plus difficile restait à faire et elle lui fallait toute son attention pour effectuer la longue marche sans interruption jusqu'à Vegas.
Comme Lisa l'avait deviné, elle ne restait pas longtemps seule à marcher. Elle fut rapidement rejointe par une nouvelle horde d'infectés qui provenaient de l'ouest. Des dizaines d'individus aux stades de dégradation bien différents mais tous unis dans leur errance. Les yeux, ou du moins leur regard pour ceux dont les orbites étaient vides, étaient tous fixés sur l'horizon, là où se situait Vegas.
Ce premier contact, qui dura à peine un instant sembla s'écouler à l'infini tant Lisa contenait son angoisse. C'était le test pour son costume de peau. L'unique. Lisa savait bien qu'elle n'aurait aucune chance si son plan devait échouer.
Bien que flottant autour d'elle comme un ample vêtement de pluie, le manteau de peau fit des merveilles, comme elle l'avait espéré. Lisa se retrouva bientôt au beau milieu d'une foule de cadavres claudiquant et gémissant. A elle désormais de ne pas sortir du lot et de se fondre dans la masse.
Durant ses années de captivité dans l'abri 313 (Lisa ne concevait pas autrement sa vie là-bas), elle avait pu étudier avec les scientifiques présents le comportement des infectés à la surface. En tant que biologiste elle-même, cette nouvelle évolution de l'être humain l'avait toujours intéressée. Elle avait d'ailleurs mené ses propres expériences à Dallas, après l’Armageddon.
Et si nul n'avait pu ou su donner un caractère rationnel à cette existence post-mortem, certains scientifiques s'étaient vite accordés à y voir certains intérêts. Les mêmes éminences grises, selon Lisa, qui avaient poussé en son temps l'armée à s'intéresser de près à cette évolution et réduit l'humanité comme peau de chagrin quelques temps plus tard. Cette monstruosité ravageait la surface du monde et on s'y intéressait encore comme un enfant contemplerait la vie dans un vivarium. Lisa considérait cela comme une aberration absurde et dangereuse. Mais elle avait appris à se taire, à garder ses opinions pour elle. Parmi tous ces scientifiques, même si Lisa n'avait guère appris plus de choses qu'elle ne connaissait déjà, elle avait revu sa manière de penser et de concevoir l'existence après la mort. Et notamment l'aspect étrange qui concernait la possibilité des infectés de voir, malgré l'absence d'organes visuels parfois.
Après de multiples autopsies, qu'elle effectua souvent elle-même pour le plus grand plaisir de ses éminents collègues, il fut accordé l'existence d'un nouveau sens, un sens qui se développerait dans le cortex et qui ne disposerait pas d'organes à proprement parler. Selon certains scientifiques, ce sens qui émanerait donc du cerveau ressemblerait à un système assez proche du chant des cétacés ou encore celui des chauves-souris, et qui permettrait aux infectés de distinguer leurs proies par l'intermédiaire de leur écho. D'autres, dont Lisa qui en savait quelque chose, suggéraient plutôt ce nouveau sens comme la capacité de sentir une proie par la chaleur de son corps, ou bien encore l'odeur de son sang. Un odorat sur-développé ne concernant que la recherche de nourriture pour les infectés. Ils s'accordaient tous cependant à affirmer que les autres sens seraient amoindris ou du moins atrophiés par le fait que les infectés ne reconnaitraient la signification de ce qu'ils ressentaient. Sauf peut-être pour l'ouïe qui demeurerait normal. Les expériences et les nombreux tests réalisés au cours de ses cinq années dans l'abri ne permirent pas d'en savoir plus, notamment sur ce mystérieux 7ème sens. Mais Lisa utilisa ce qu'elle avait elle-même appris pour préparer son évasion.
Quand elle regagna la surface, la première fois en cinq ans, elle tomba nez à nez avec un mécanicien qui vérifiait le capteur d'humidité proche d'une sortie. L'homme était jeune, trente ans à peine. Et il ne faisait que son travail. Il avait expliqué qu'il ne pouvait pas sortir vérifier le capteur car un infecté était dans la zone. Lisa avait acquiescé d'un hochement de tête avant de lui briser la nuque, sans remord. Il y avait bien longtemps qu'elle n'en avait plus. Pour éviter d'alerter l'abri trop rapidement de son évasion, elle avait traîné le corps jusqu'à la surface.
Et était tombée nez à nez avec un infecté.
Le monstre ne l'avait pas vue. Il errait autour de l'accès à la surface et l'empêchait de fuir au plus vite dans le désert. Sans hésitation, elle avait plongé sa lame dans le ventre encore chaud du mécanicien et s'était barbouillée de ses fluides. Puis elle avait gravi les dernières marches, ouvert la porte d'accès vers l'extérieur et regagné la surface. Elle avait alors jeté le cadavre de l'homme pratiquement au pied de l'infecté qui s'était jeté aussitôt sur lui comme un chien sur sa pâtée. Lisa était restée là immobile à l'observer dévorer les entrailles du mécano. Le monstre ignorait totalement sa présence.
Ce fut là qu'elle comprit que sa survie passait par cette connaissance ultime, celle de la perception des infectés. Lisa avait laissé la porte de l'abri grande ouverte. Tant de douleurs, tant de souffrances dans ce lieu maudit ne pouvaient être lavées que dans le sang et les cris. Elle avait disparu dans la nuit sans se retourner une seule fois.

Cette fois-ci, à défaut de sang et de cadavre frais, Lisa avait opté pour une option plus scabreuse mais néanmoins efficace a priori. La peau parcheminée de l'infecté masquait ses traits et faisait un brin illusion. Quant au sang des corbeaux, il masquait le propre parfum du sien. Elle tentait un gros coup de poker, le tout pour le tout pour atteindre Vegas. Et dès les premiers contacts avec les infectés, elle sut que c'était un coup de maître.
Après une journée harassante, dans un silence de mort, marchant la tête basse au milieu de la horde de cadavres, Lisa arriva enfin en vue de la ville. L'oasis dans le désert. Le paradis après l'enfer.
Mais ce qu'elle vit la fit tressaillir de la tête aux pieds.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 23 Mar - 8:39



En son temps, Las Vegas avait été représenté beaucoup : un oasis artificiel au beau milieu du désert de Mojave, le paradis sur Terre du jeu et de la débauche, un lieu idéal pour se marier et divorcer à la minute...
Cette ville champignon avait su attirer une population avide, comme une merde de chien attire les mouches. Ils étaient tous venus croyant s'isoler du reste du pays pour s'adonner à leurs vices favoris. Longtemps, ils ont cru que Vegas était un monde à part. C'était il y a presque un siècle, mais cela aurait pu être un millénaire plus tôt. Vegas avait connu une telle croissance exponentielle en si peu d'années. C'était presque surnaturelle. Quelle ironie pour cette ville fondée par des mormons au XIXème siècle et qui était devenue THE référence en ce qui concerne la dépravation et la luxure.
Lisa n'avait jamais eu l'occasion de s'y rendre. Et pourtant elle avait voyagé durant toutes ses années de traque avant l'Armageddon. Mais jamais à Vegas. A plus forte raison car cette place forte était trop dangereux pour elle.
Très tôt, Vegas avait pris la tête de liste des lieux sécurisés en cas d'invasion zombie. Le gouvernement fédéral et les instances de la ville n'avaient pas pu empêcher cette décision, à leur plus grand regret.
Une invasion zombie... cela avait dû les faire sourire un temps. Jusqu'à l'Armageddon et l'attaque en règle du pays.

Vegas était un site doublement stratégique, du fait de son isolement au milieu du Mojave, mais aussi de sa relative proximité avec l'emplacement des abris souterrains. Le désert du Nevada abritait deux abris gouvernementaux : le 313 et le 521. Vegas était un point d'accroche, le dernier rempart, renforcé par un mur qui isolait le désert et le reste du pays, et dont la ville était un lieu de passage.
Durant son enfermement, Lisa avait eu plus que le temps de dévorer les comptes-rendus stratégiques qui parlaient de Vegas et de son rôle de point névralgique dans la forteresse USA. Les nombreuses photos et schémas descriptifs lui avaient permis d'imaginer ce que l'Armée avait fait de Vegas. Toutefois, elle ne s'était pas attendu à la voir sous cet angle.
Un instant, Lisa fut tentée de rester sur place pour prendre le temps de tout observer, puis elle réfréna cette envie et reprit sa marche monotone. Une douleur cuisante irradiait dans le bas de son dos depuis des heures, surtout dû au fait de ne pas pouvoir faire une pause, ne serait-ce que quelques instants. Ses pieds étaient en feu et la soif était une véritable torture. Son plan, même s'il fonctionnait à merveille commençait à lui coûter. Certes, elle était arrivée à bon port malgré toujours plus d'infectés. Son costume de peau avait été un camouflage parfait. Mais elle commençait à douter de pouvoir fuir en courant si le besoin s'en faisait sentir.
Alors, malgré la douleur, elle poursuivait sa marche au milieu de la marée d'infectés, traînant légèrement sa jambe droite en arrière pour soulager les tiraillements dans ses reins.
Lisa releva la tête à gauche et à droite pour observer les hautes tours qui se dressaient vaillamment à quelques blocs de là. Après cinq années enfermée dans un tombeau souterrain, une telle vision était pour le moins époustouflante et Lisa eut un instant le tournis et en même temps une légère appréhension. Elle eut comme le vertige d'apercevoir ces géants de verre et d'acier. Contrairement aux autres villes du pays, Vegas avait été épargnée.
Dans un pêle-mêle indescriptible pointaient vers le ciel la tour Eiffel, Miss Liberty, une pyramide égyptienne, une bouteille de Coca géante, les gratte-ciels new-yorkais...
Welcome to fabulous Las Vegas Nevada, annonçait un panneau publicitaire aux néons éteints. Fabuleux était un terme plutôt faible quand il s'agissait de marcher au milieu de cette avenue à la taille d'une autoroute.
Un vent chaud remonta soudain l'avenue, comme si le diable voulait, par son souffle assécher les corps momifiés de la horde. Lisa eut alors l'impression d'être devant un radiateur soufflant de l'air chaud. Elle sentit les gouttes de sueur s'écouler sur son masque de peau et le long de l'échine.

Après avoir un temps longé le mur, la horde avait pris la L.A Highway qui menait directement dans le centre de Vegas. Les premiers contacts avec la civilisation eurent donc downtown, dans les faubourgs de la ville.
Le champ de bataille.
Çà et là demeuraient, telles des statues figées pour l'éternité, des véhicules blindés et des positions renforcées. Le temps et la nature avaient fait leur œuvre, le sable du désert s'infiltrant pernicieusement jusqu'à les recouvrir d'une fine pellicule d'abandon. Mais ils se tenaient tous là pour rappeler leur incapacité à stopper les infectés. Les combats avaient bien dû être âpres et pour le moins ardus dans les faubourgs de Vegas. Au milieu des infectés, tout en continuant de marcher, Lisa ne put que constater avec horreur les dégâts causés : les habitations portaient encore de nombreuses traces d'impacts. Mais il n'y avait aucun corps. Les morts s'étaient relevés depuis longtemps. L'armée n'avait été qu'un faible rempart face à la horde qui croissait dans le reste du pays.
Dans les faubourgs de la ville, des bunkers de béton avaient été érigés à la hâte pour abriter les capteurs d'humidité et les générateurs d'électricité pour les abris souterrains. Une vraie balafre dans le paysage urbain. Mais désormais, ce n'était plus que des ruines. Ils avaient tous explosé, privant les abris de leur indépendance énergétique.
Ce moment-là, Lisa n'avait pas cœur de l'oublier. Elle avait perdu Garrison dans une de ces explosions. Son Garrison. Envoyé là-bas avec sa patrouille, il n'était jamais revenu, tué en action, comme les militaires aiment dire.
Et Vegas perdu à tout jamais.
Lisa songea à tous ces hommes, morts pour des abris auxquels ils n'accéderaient jamais. Cela n'avait pas dû être très motivant pour tous les soldats qui avaient combattu ici. Les abris, c'étaient pour les huiles, les grands pontes. Eux avaient au moins toute leur chance de survivre.
Cinq ans plus tard qu'est-ce qu'il restait de tout ça ? Que des ruines. Vegas était tombée en quelques mois. Plus de nouvelles de l'abri 521. Et l'abri 313...? Lisa lui avait ouvert les portes vers l'enfer.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptySam 28 Mar - 8:56



Après avoir piétiné longtemps, la marche trouva sa conclusion au beau milieu de Las Vegas Boulevard. La horde stoppa brusquement son avancée, d'un seul chef, comme si les infectés appartenaient à un même corps, obéissaient à une seule tête...
Lisa faillit ne pas s'arrêter et foncer sur le zombie devant elle. Mais point s'en fut et elle se cambra, interrompant sa marche in-extremis. Son dos lui fit aussitôt regretter son geste et une vilaine pointe lui arracha un cri de douleur silencieux. C'était comme si un poignard se glissait pernicieusement entre ses côtes.
- Je suis piégée !, songea Lisa.
Autour d'elle nul ne bougeait. Elle retint son souffle, puisant dans ses dernières réserves, si elle en disposait encore pour tenter de fuir en courant.
- Que peux-tu espérer, ma vieille ? Il suffit que l'un de ces monstres t'attrapent et tu es cuite. Couic.
C'était la voix d'Eisenheim qui résonnait en elle. Elle l'avait tué et pourtant il était tapi dans son âme, maudit souvenir qui ne disparaîtrait jamais. Lisa, soudain apeurée, se surprit à le chercher du regard comme si la silhouette estropiée d'Eisenheim allait apparaître au beau milieu de la foule décrépie.
- Où es-tu, vieux salopard ? Tu es mort maintenant., songea-t-elle. Tu crois vraiment que tu peux encore me faire mal au-delà de la mort ?
En fait Lisa pensait que c'était rigoureusement impossible que son tortionnaire puisse être là. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il pourrissait sur une siège, les liens emprisonnant ses moignons. Mais Lisa ne put s'empêcher d'être effrayée. Comme une petite fille qui veut vérifier qu'il n'y a pas de monstres sous son lit, malgré les grattements qu'elle y perçoit. Et comme la petite fille le ferait en se dissimulant sous ses couvertures, Lisa se cacha en réajustant discrètement son costume de peau pour ressembler encore plus à un zombie.
Autour d'elle, les infectés ne réagirent pas. Ils demeuraient mystérieusement silencieux ou du moins leur râle restait aphone. Certains semblaient grogner intérieurement, dévoilant leurs dents en une grimace horrible sous leurs lèvres crevassées (quand ils en avaient encore). D'autres dandinaient d'impatience, trépignant en allant d'avant en arrière ou de gauche à droite comme le font parfois les autistes. Ou comme s'ils attendaient l'ordre de repartir.
Lisa n'osait pas agir. Elle devait faire comme eux.
Ce qui n'empêchait pas les questions de fuser dans son esprit cartésien. Tout le long de sa marche, elle n'avait pas vraiment réfléchi à la raison pour laquelle tous ces infectés avaient marché vers Vegas. Limite, elle s'en moquait un peu, ne cherchant qu'à ne pas se faire remarquer le temps d'atteindre la ville.
Mais maintenant ?
Et puis elle n'avait rien d'autre à faire, si ce n'était qu'angoisser. Visiblement les infectés attendaient un signal. Déjà Lisa avait pu remarquer que la plupart fixait Vegas comme un chien fixerait un bonbon au sucre.
- Ils ne cherchent pas à atteindre une proie : ils ont été attirés. Mais par qui ?
La douleur dans sa jambe était à la limite du supportable, Lisa se redressa du mieux qu'elle put. La pointe dans son dos reprit et elle se retint pour ne pas plaquer une main salvatrice dans le bas de ses reins et s'étirer.
- Si au moins, on marchait. Je pourrais se glisser discrètement, pas après pas, vers un des ces casinos le long du boulevard et espérer me cacher. Avec un peu de chance, ils ne verraient même pas.... Mais là, ce n'est franchement pas possible.
Lisa se résigna donc à attendre le bon moment. Le signal.

Le soleil tapait encore, malgré la fin de la journée qui s'annonçait. Plusieurs fois, le vent chaud du désert s'engouffra dans le boulevard et étendit sa longue cape de chaleur. L'attente était intenable. Infernal. Le costume de peau semblait peser des tonnes et Lisa se sentait liquéfier sur place.
Depuis combien de temps attendait-elle ? Elle ne saurait le dire avec précision. Des heures sans aucun doute.
Être mort facilitait la tâche de ses compagnons de marche. Malgré une légère impatience qui secouait toujours certains, la plupart demeurait tous immobiles. Sans compter qu'aucun ne ressentait pas les affres de la chaleur ni de la soif.
Lisa passait régulièrement sa langue sèche sur ses lèvres gercées. La soif la rongeait de l'intérieur.
- Si ça continue, je n'aurais plus besoin de mon masque pour ressembler à un infecté...
L'humour, il ne lui restait plus que ça.

Alors que Lisa pressentait qu'elle n'allait plus pouvoir tenir, elle perçut un flop-flop dans le ciel. Elle osa relever doucement la tête vers la direction du bruit, mais en vain. Pas d'hélicoptère en vue. D'ailleurs, y en avait-il vraiment un ? N'avait-elle pas plutôt rêvé ? Elle arrivait à ne plus y croire.
En baissant la tête pour soulager un peu sa nuque et se repositionner pour soulager son dos et les crampes dans sa jambe, elle aperçut un étrange point rouge sur le crâne de l'infecté devant elle. Puis un autre sur un infecté à quelques pas sur sa droite. Puis un autre et un autre et encore un autre. Les points rouges ne vacillaient pas.
Elle eut à peine le temps de réaliser que le carnage commença.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 30 Mar - 7:44

Il fallut plusieurs balles avant qu'Orson Links ne s'écroule au sol. Non pas qu'il fut difficile de le toucher - comme tous les autres infectés, il gardait la tête bien en l'air dans l'attente du signal et n'était pas perturbé par les dizaines de détonations qui fusèrent soudain. On ne cherchait pas à lui exploser le crâne. Mais à le préserver.
La première balle lui arracha l'omoplate gauche et laissa un énorme trou à la place. Son bras se mit à pendre sur un mince filet de chair. Autour de lui, les infectés tombaient comme des mouches, la cervelle réduite en compote. Orson, lui, inconscient de ce qu'il se passait, erra un instant, abasourdi, tournant d'un pas malhabile à la recherche de l'origine des bruits.
Les deux balles suivantes lui explosèrent les genoux et l'imposant infecté chuta lourdement au sol. Il tenta plusieurs fois de se relever mais en fut bien incapable avec un seul bras et ses rotules réduites en miettes. Alors il poussa un râle, une sorte de cri de désespoir qui amplifia quand il aperçut, au loin, des silhouettes, suivies par deux véhicules. Les humains approchaient de l'angle d'une rue. C'étaient des proies faciles et il avait si faim.
Orson Links tendit son bras valide vers eux pour les attraper. Mais il se sentait si faible. Il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Ses proies avançaient vers lui et il ne pouvait pas essayer de les dévorer.
Autour de lui, certains de ses congénères qui étaient encore debout se ruèrent sur les nouveaux venus, mais ils étaient aussitôt abattus d'une balle en pleine tête, recouvrant de leur pulpe cervicale le boulevard.
Les deux véhicules stoppèrent non loin des premiers infectés. Orson n'était pas le seul à demeurer au sol, dans la totale incapacité d'agir. Les autres infectés encore en vie entamèrent une longue plainte, à laquelle s'ajoutèrent les râles d'Orson. Un cri de souffrance et de frustration.
Les détonations redoublèrent alors que les hommes marchaient au milieu des infectés et en terminaient certains d'une balle dans la tête.
Quand le groupe parvint au niveau d'Orson, l'un d'eux le désigna du doigt avant de continuer son exploration. Orson le regarda disparaître de son champ de vision, puis il sentit qu'on venait de lui planter quelque chose dans le haut du dos.
Affamé, en proie à une rage jusqu'à inconnue, Orson redoubla d'effort pour avancer en se servant de son bras valide pour s'accrocher aux cadavres des autres infectés et ramper vers ses proies. D'autres arboraient tout comme lui cet étrange fanion planté dans le dos.
Puis il ressentit une présence. Un homme se tenait au-dessus de lui. Dans ses mains, une lame bizarre qui tournoyait, et ce bruit étrange. On lui enfila un sac sur la tête.
Dans le noir, Orson Links ne reconnut pas le bruit caractéristique de la meuleuse à disque, ni ne ressentit la douleur quand l'homme lui découpa les membres.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyMar 31 Mar - 7:58

L'homme se releva de la cuvette. Il roula le journal qu'il lisait sur lui-même puis le déposa dans un porte-revue accroché au mur. Il avait dû lire ce feuille de chou des dizaines de fois depuis son arrivée à Vegas, jusqu'à connaître par cœur certains potins de stars d'Hollywood, des VIP pour lesquelles plus personne n'en avait rien à foutre. Mais qu'importe, cela lui donnait l'impression un bref moment d'avoir rêvé tout ça. Ou plutôt cauchemardé.
Même si pour lui désormais la situation était un peu moins tendue que les premiers temps.

L'homme enfila son slip et son jean puis remit sa ceinture autour de sa taille. Le poids de son revolver avait tendance à alourdir le tout, mais s'en débarrasser, ne serait-ce que pour aller chier, c'était de l'inconscience pure et simple ! Il dormait même avec. Posséder une arme à portée de main était une condition sine qua non si on espérait survivre désormais. Et pas seulement contre les zombies. La menace pouvait venir parfois de ses propres hommes.
Après un soupir d'inquiétude, il se retourna pour fixer son étron dans son océan immonde. Il était beau, bien moulé et semblait tout à fait normal. Parfois, l'homme était si inquiet qu'il hésitait à le récupérer et à l'observer sous tous les angles. Mais on lui avait dit que ce n'était pas la peine : si l'homme était infecté, il le saurait de suite. Il imaginait alors dans ces pires cauchemars des vers blancs se tortillant dans son colombin. Ou bien encore des flots de sang se déversant de son anus ou encore son propre intestin flottant à la surface des gogues. Il se réveillait alors en sueur et totalement effrayé. On raconte que chaque homme a une crainte ultime dans la vie : la peur de chuter, la peur de souffrir... Lui, il ne craignait que de se voir devenir un zombie un jour, d'être infecté et voir sa lente dégradation jusqu'à la fin.
A son réveil, il filait toujours aux chiottes et le cauchemar de la nuit disparaissait avec son étron. Jusqu'à la prochaine nuit.
L'homme soupira de satisfaction et tira la chasse d'eau.
Il savourait ce plaisir qu'il ne croyait plus possible. Le grondement de l'eau était comme un hymne à la joie à ses oreilles. Et il se surprit à appuyer une deuxième fois pour écouter son chant.
Soulagé, l'homme se lava ensuite les mains au lavabo et les essuya à l'aide d'une serviette estampillée au nom de l'hôtel. Encore un petit plaisir perdu. Dans un lieu pareil en plus. Jamais il n'aurait pensé connaître ça. Il fut un temps où un luxe ne lui était même pas accessible en rêve. Et dire qu'auparavant il existait des richards pour lesquels ce genre d'endroit était leur quotidien. Désormais, c'était à lui et il pouvait changer de suite quand il souhaitait. La contrepartie d'une nouvelle existence qui l'avait révélé. Et son appartenance au Clan.

L'homme émergea des toilettes un peu plus ragaillardi. Il se cambra, faisant craquer les articulations de ses épaules l'une après l'autre puis il se dirigea vers la porte-fenêtre menant à la terrasse de sa chambre. Il tira les rideaux et regarda au dehors. De là, où il se trouvait, il ne voyait pas grand chose ce qu'il se passait à l'extérieur, la terrasse masquant une bonne partie de la vue. Une énorme colonne de fumée noire s'élevait dans le ciel, ces hommes travaillaient donc bien.
Il se retourna ensuite pour chercher sa chemise déposée sur une chaise. Son unique chemise en jean : il y faisait attention.
Sa chambre, ou plutôt sa suite, était en désordre. Presque deux semaines qu'il vivait ici et ses nuits étaient courtes et mouvementées. Le privilège d'être le chef ici. Il comptait bien ne pas laisser cette opportunité s'évanouir trop tôt. Du champagne et des poulettes, si on ne pouvait pas appeler du luxe ça aussi. C'était tout à fait comme cela qu'il imaginait la vie dans un palace. Six magnums vides traînaient à même le sol, tout comme les deux nanas qui dormaient à moitié nues sur le tapis au pied du lit. Elles étaient vêtues de leur costume de salope. Deux pauvres filles qui pensaient avant devenir des top-models et qui finalement se servaient de leur corps pour glaner un espace de vie. Survivre tout simplement. Pas vraiment des beautés, ni des mochetés d'ailleurs. Elles avaient quoi ? Même pas 25 ans. C'étaient juste des nanas qui auraient de toutes manières terminé serveuses d'un bar miteux au bord d'une route perdue du Nevada et qui auraient pondu une tripotée de chiards à un mari ignare et un peu brutal. Pas vraiment son genre de nana. Enfin seulement pour se décharger un peu quand le besoin s'en ressentait.
Mais hier ce n'était pas ça. L'homme n'avait pas vraiment eu la tête à faire la fête de la journée. En fait, il aurait voulu être tout seul. Les filles avaient fait du mieux qu'elles le pouvaient pour le distraire, il n'avait pas voulu, ou bien pu songer à autre chose. Et pourtant elles avaient été imaginatives ! Finalement ils avaient fini tous les trois, lui à se beurrer la gueule et elles à sniffer de la coke. Une sacrée soirée quoi ! Mais ça avait fini par payer et l'homme avait trouvé un sommeil sans rêves et à oublier un temps.
- Debout là-dedans !
L'homme réveilla brutalement les deux filles en les secouant du bout des pieds.
- On s'bouge, les salopes. Dégagez de là maint'nant !
Les deux jeunes femmes se levèrent encore à moitié groggy. Elles avaient perdu de leur superbe. Leur maquillage avait coulé, leurs seins pendaient lamentablement, tandis qu'elles se penchaient lamentablement pour récupérer leurs vêtements un peu partout éparpillé dans la suite. Sur l'une d'elle, on pouvait distinguer les hématomes au creux de ses bras. Une saloperie de junkie à l'héro. L'homme détestait ça.
- Allez, barrez-vous d'là ! J'ai envie d'être seul là.
Sans un mot, elles titubèrent vers la sortie, leurs tenues dans les bras. Et quand l'homme entendit la porte se refermer derrière elles, il put enfin s'asseoir sur son lit défait.
Les images affluèrent aussitôt, comme des vautours sur un cadavre bien frais. Il voyait la gamine, dans son cercueil de verre. Ses yeux, emplis de terreur et de souffrance. Ils lui avaient pénétré le cœur comme une flèche et le hantaient. C'était un mal pour un bien, affirmait-on, mais c'était une gamine tout de même. Et même la conscience d'une raclure comme cet homme pouvait le travailler jusqu'à l'épuisement. Cinq jours que ses nuits étaient de véritables cauchemars, cinq jours que le visage de la gamine revenait le hanter. Le poids du fardeau était trop lourd. Il lui fallait s'en débarrasser. Mais quand ? Quand allait-il pouvoir ne plus y penser ?

Un talkie-walkie posé sur la table de nuit se mit soudain à grésiller. L'homme s'allongea de tout son long sur les draps souillés par le champagne et tendit le bras pour l'attraper.
- Oui ?
- C'est Johnny. On a fait une bonne récolte. Y'en a des bons là.
- Ce qui veut dire...
- Que les réserves sont pleines. On va pouvoir rentrer au bercail.
Cette phrase annonçait l'espoir d'oublier le visage de la gamine. Rentrer chez soi, passer le relais. Avec les kilomètres la vision disparaitrait sûrement.
- D'accord, fit l'homme. Amenez-les dans l'entrepôt et stockez-les.
- Mais y'a aut' chose, continua le dénommé Johnny.
- Comment ça, y'a autre chose ?
- Vaut mieux que tu viennes voir, là. C'est pas croyable.
- Ok, j'arrive.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyJeu 16 Avr - 7:47

La mort a quelque chose de presque agréable. Le parfum de la rosée sur une prairie fleurie, l'odeur de la pluie sur du bitume tiède. Le goût âpre du sang et de la délivrance. Le bruit du vent dans les voiles d'un navire voguant vers l'horizon. A l'instant même où Elle vient faucher, Elle libère l'esprit du corps meurtrie. Ainsi affranchie, l'âme peut s'envoler vers le repos absolu, s'envoler vers d'autres cieux, vers d'autres sphères. Le paradis pour les uns, le Nirvana pour les autres. La mort n'est que le passage vers un ailleurs si attendu et en même temps si redouté.
Le mythe de la lumière blanche et de l'oubli. Revoir les êtres aimés puis les accompagner vers l'au-delà.
Ou pas.
Point de lumière et de visages amis ici. Mais une vision d'apocalypse. Un monde qui se meurt, gris comme la cendre s'étalant jusqu'à l'horizon. Seuls d'immenses arbres aux tentacules mouvantes, géants poulpes végétales, semblaient s'agripper au ciel carmin pour mieux en dévorer l'essence divine. Et au sol, des silhouettes grouillant les uns sur les autres, des êtres de carbone rampant péniblement en murmurant, s’approchant inexorablement.

Flash soudain. Pas la lumière blanche, mais un éclair crevant le ciel sanguinolent, tel un abcès purulent. Et la pluie qui jaillit.
Des larmes de sang.
Puis une onde secoue ce monde, et une autre. Des spasmes. La douleur qui irradie jusqu'à arracher un cri inhumain qui troue à jamais le silence des lieux.
A ce hurlement lui répondent des milliers de râles d'âmes torturées. Les silhouettes carbonisés cessent alors d'avancer et se redressent alors pour mieux exhaler leur rage avant de reprendre au plus vite leur pénible avancée.
Si ce n'était l'enfer, ça lui ressemblerait vraiment. Il ne manque que les flammes et le diable avec sa fourche. Et pourtant...
Nouvelle lumière aveuglante. Lumière blanche cette fois-ci. Et une douleur immense au cœur.
Puis tout s'éteignit.
Sauf les murmures.
- On l'a perdue ?
- Non je ne crois pas. Son cœur bat, faiblement mais il bat.
- C'est incroyable. Qu'est-ce qu'elle foutait là ?
- J'en sais fichtrement rien mais j'ai hâte de le savoir. On verra ça plus tard maintenant, on a du pain sur la planche.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyVen 24 Avr - 7:58



- Enfin réveillée ?
Alitée, Lisa, totalement absorbée par le bourdonnant vol d'un moucheron autour de l'unique ampoule du plafond, ne remarqua pas l'entrée soudaine du jeune homme.
Depuis qu'elle avait émergée - c'était le sentiment qu'elle avait - sa conscience vacillait entre réalité et monde onirique et elle avait beaucoup de mal à différencier l'un et l'autre. Il faut dire que la migraine qui lui tambourinait dans le crâne n'arrangeait rien. La première fois qu'elle s'était réveillée, Lisa avait pris un temps très long à observer où elle se trouvait. Au début, elle s'était cru de retour à l'abri 313. Les cellules - nom donné aux chambres - ressemblaient à cette pièce. Une petite pièce aux murs peints, un décor minimaliste : un lit en métal, une chaise, une table de chevet. La lumière était fournie par une ampoule nue au plafond.
Puis à force d'observation, elle avait vu des différences notables entre sa cellule et cet endroit. Déjà, on n'entendait plus le système d'aération. L'air était celui de la surface, chaud et à la limite suffoquant en journée mais nullement recyclé. Pour le coup, il était même agréable.
Lisa ne percevait aucun bruit dans les couloirs, ce qui n'était jamais le cas à l'abri, entre les machineries et les rondes. L'abri lui avait toujours fait l'effet d'un sous-marin immobile au fond des mers.
Une fois, elle avait tenté de se lever et de quitter son lit pour voir ce qu'il se passait derrière la porte. Lisa n'avait pas fait deux pas qu'elle avait sombré dans l'inconscience. Elle s'était réveillée plus tard à nouveau dans le lit, sans savoir comment elle y était retournée.
Ses forces étaient si faibles qu'elle avait toutefois vite abandonné l'idée de recommencer. Alors elle avait choisi d'attendre.
Souvent, elle se réveillait subitement, le front en sueur et le cœur battant la chamade. Les cauchemars l'assaillaient de plus en plus. Ils se passaient toujours dans ce monde gris avec ces arbres tentaculaires et Lisa en ressortait avec la désagréable impression que ce n'était pas un rêve, même si à chaque fois son esprit cartésien lui permettait de faire la part des choses. Les êtres gris - ceux qu'elle nommait les âmes perdues - se rapprochaient pourtant de plus en plus d'elle. Ils n'étaient plus très loin pour la toucher. Que se passera-t-il donc d'ailleurs quand ce sera le cas ? Lisa en avait frissonné durant de longues minutes. Puis son attention s'était fixée sur l'insecte bourdonnant autour de l'ampoule sans se demander pourquoi celle-ci était allumée.

- Vous allez bien, madame ?, demanda la voix.
Lisa détourna son regard et observa pour le nouvel arrivant. Première visite depuis son arrivée à Vegas. Un homme. plutôt pas mal malgré son jeune âge, une vingtaine d'années à tout casser. Une barbe mal rasée poussant inégalement ornait un visage ovale, à la limite osseux et des cheveux bruns mi-longs recouvraient les épaules, faisant ressortir son regard d'un bleu glacial. Ce furent ses yeux que Lisa aperçut en premier et elle plongea dedans jusqu'à s'y noyer. Elle n'avait jamais pu résister à un tel regard. Même à cet instant.
L'homme se tenait debout auprès du lit. De là, où elle se trouvait, Lisa aperçut le holster qu'il portait à la ceinture de son pantalon de treillis. Sur son torse, le t-shirt vert kaki qu'il arborait n'était pas à sa taille. Il avait déchiré en bas pour éviter qu'il ne pende lamentablement sur son pantalon. Le jeune homme était plutôt malingre, à la limite en sous-alimentation.
Lisa voulut dire quelque chose mais aucun son ne sortit de sa bouche, comme si elle ne pouvait pas parler. Ou plutôt comme si elle n'avait jamais su le faire.
- Détendez-vous, ça va revenir doucement. Vous... vous avez été blessée à la tête. C'est même un miracle que vous soyez encore parmi nous. Le doc dit que cet effet indésirable ne devrait pas durer longtemps.

Lisa insista pour répondre mais à nouveau, ce fut en vain. Les ordres affluaient dans son cerveau mais c'était comme si ses synapses ne les transmettaient pas. Elle glissa une main tremblotante sur le haut de son crâne et sentit sous le bout de ses doigts le contact rêche d'un bandage.
Le jeune homme prit une grande inspiration, puis s'empara d'un siège et s'installa auprès du lit.
- Vous voyez, Madame, la balle que vous avez reçue, est entrée à la gauche de votre nez (il lui montra sur son propre visage la localisation), a traversé le crâne juste sous le plancher de votre cerveau pour aller terminer sa course à l'arrière de votre tête. Elle s'est arrêtée juste là, avant ce que le doc appelle le pédoncule cérébelleux, entre deux artères importantes. Si la balle avait touché l'une ou l'autre, vous seriez morte rapidement. Mais là, miracle, vous êtes encore vivante. On peut dire que vous avez de la chance !
Lisa frappa du bout du doigt sur son front et au prix d'un effort qui lui sembla titanesque, arriva à pousser un petit cri plus proche du grognement primitif que de la parole. Mais l'homme sembla la comprendre et poursuivit :
- La balle ? Oui, elle est encore là. Et d'après le doc, elle peut encore se déplacer à tout moment. On n'a rien ici pour voir ce qu'il se passe dans votre tête. Pas de scanner, pas plus de quoi vous opérer. Va falloir attendre d'être de retour à la maison.
Le visage de Lisa devint tout rouge de congestion avant qu'elle ne lâche en un murmure :
- Mai..son ?
Lisa se sentit aussitôt ridicule. L'image de cette bestiole bizarre avec un gros doigt au bout rouge montrant le ciel lui vint aussitôt à l'esprit. C'était dans un film, elle croyait mais elle n'était pas si sûre. Le cinéma et elle ça avait toujours fait deux... Elle avait peut-être perdu la parole mais sa mémoire semblait être un peu moins défaillante. En fait, c'était plutôt les mots qui lui manquaient car les images affluaient dans sa tête à une vitesse impressionnantes, des kilomètres de souvenirs et ils étaient très clairs.
L'homme, s'il avait été surpris par cet effort surhumain, ne dit rien et il ajouta même :
- Oui, c'est ça. On vous ramènera là-bas sitôt qu'on en aura fini ici. Dès que Ben l'aura décidé quoi.
Le regard interrogateur de Lisa se planta dans celui de l'homme.
- Ben ? C'est le chef de l’expédition, reprit le jeune homme, et moi c'est Sik. C'est moi qui vous ait trouvée.
Lisa tendit une main tremblotante vers Sik. Ce dernier s'en empara et elle lui serra de toutes ses forces.
- Mer...ci, fit-elle d'une voix de plus en plus assurée. Merci beau..coup.
Sik fut presque gêné mais il sourit tout de même.
- Y'a pas de quoi. Je vais vous laisser un peu maintenant. Reposez-vous tant que vous pouvez. Ben aimerait bien vous parler quand vous irez mieux. Il a plein de chose à vous demander. Et Ben est très curieux.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptySam 2 Mai - 10:31



- Votre visage est nettement moins boursouflé. Votre guérison relève presque du miracle, surtout pour une personne de votre âge.
- Comment ça de mon âge ?!, peina à articuler Lisa, soufflée par ce que venait de dire le docteur.
L'homme ne portait pas de blouse ou d'attributs de médecin mais Sik l'avait désigné comme étant le toubib de la troupe. Alors elle l'avait cru.
Depuis deux jours, il lui rendait visite très souvent. Alors Lisa s’exerçait à lui tenir conversation. C'était une véritable épreuve, le vocabulaire peinant souvent à venir. C'était comme si elle devait utiliser un dictionnaire à chaque fois qu'elle voulait prendre la parole. Un défi constant, surtout avec les images qui défilaient dans sa tête sans qu'elle puisse trouver un mot pour les qualifier.
Sik repassait aussi souvent la voir. Elle aimait bien parler avec lui, le jeune homme était pour le moins sympathique et surtout patient, notamment quand elle restait ainsi, la bouche bêtement grande ouverte à la recherche du mot adéquat. Mais ce que Lisa attendait avec impatience, c'était la visite d'un grand chef, du big boss, le dénommé Ben.
Ce dernier n'avait pas encore daigné lui rendre visite et ça, ça l'énervait au plus haut point. Lisa demeurait là des heures durant, à attendre qu'on lui rende visite, coupée du monde dans cette pièce froide et impersonnelle. Une fois, elle avait trouvé la force de se lever, malgré les étourdissements, malgré sa faiblesse et ses migraines, mais ce fut pour tomber sur une porte verrouillée. Elle n'avait pas trouvé la force de revenir dans son lit et elle avait lourdement terminé son expédition à moitié inconsciente et à bout de forces au sol derrière la porte.
Ben restait son unique espoir de sortir de là. D'après Sik, Ben était très préoccupé ces derniers temps. Le jeune homme, à aucun moment, n'avait répondu aux questions de Lisa. Aucun indice sur les raisons de leur présence à Vegas. Elle en avait fait autant. Lisa réservait ça à Ben, quand il daignerait venir.
Du coup, leurs discussions avec Sik étaient d'une banalité déconcertante, mais elles permettaient à Lisa de retrouver un peu de vigueur. A croire que c'était la raison d'être des visites de Sik.

Le toubib posa sa main rugueuse sur la joue de Lisa. Ses doigts puaient, un mélange de sueur, d'humus et d'odeur de chien mouillé. Cela aurait pu être désagréable s'ils n'étaient pas aussi doux au contact. L'homme massait avec tendresse son visage boursouflé, apaisant un peu la douleur.
- Vous permettez que je ne réponde pas à votre question. J'ai beau avoir des manières de rustres ces derniers temps, je reste un tant soit peu galant. C'est ça l'éducation ante apocalyptica , (puis remarquant l'air dubitatif de Lisa). D'avant l'apocalypse. Désolé ça m'arrive encore de parler latin.
- Vous faisiez quoi, avant ?
- Avant..., si je vous disais que je n'étais pas docteur, cela vous rassurerait-il un peu moins ?
- Je ne crois pas, non.
L'homme sourit, creusant de longs sillons autour de sa bouche. Il devait avoir dans les 50 ans. Ses cheveux gris étaient attachés en catogan pour lui dégager le visage, mais Lisa soupçonnait qu'il ne faisait ça que pour rendre visite à Lisa. De petites lunettes rondes lui donnaient un air sérieux quand il auscultait Lisa mais elle sentait qu'il n'était pas le dernier pour blaguer et détendre l'atmosphère.
Il disait s'appeler Al, et il faisait partie de deux seules personnes qu'elle avait rencontrées depuis son réveil.
- J'étais véto. L'être humain et l'animal c'est presque pareil, m'a-t-on affirmé un jour alors je teste.
- Et je suis votre cobaye ?
- Vous et tous les hommes de cette compagnie, oui.
- Vous êtes combien ici ?
- Je ne pense pas que ça soit à moi de vous dire ça, désolé.
- Combien de temps, je vais rester ici ? ça vous pouvez me le dire.
Al prit une grande inspiration tout en se frictionnant le menton. Ses poils naissants émirent le bruit de grattement tandis qu'il se frottait.
- Je ne sais pas vraiment. Comme je vous le disais, votre guérison tient presque du miracle. Surtout en si peu de temps. Bon d'accord, il reste la balle et nulle doute qu'elle fera encore des dégâts, notamment si vous bougez un peu de trop. Mais honnêtement, je suis confiant.
- Vous avez jamais vu ça sur un de vos patients canons... euh canins ?, ironisa Lisa.
- Euh..., non, lui répondit Al en souriant. Et puis eux en général, ne font pas des blagues deux jours après s'être pris une balle en pleine tête. Et des chiens canons, j'en vois pas souvent. Sauf peut-être une petite chienne, là, une petite caniche toute blanche, qui me fait les yeux doux à chaque fois que je l'ausculte. Je crois que j'ai un ticket avec elle.
- Si c'est le cas, il faut y aller, Al, tentez votre chance. Ne la laissez pas s'enfuir.
- N'ayez crainte, elle est enfermée dans un chenil, elle ne pourra pas aller loin.
Et ils se mirent à rire tous les deux. Un rire bref mais spontané, délivré de toutes les contraintes de peur et de tension de cette nouvelle existence. Celui de deux êtres ayant vécu une autre vie à une époque révolue se retrouvant un bref instant.
- Vous n'avez pas répondu à ma question, vous savez ?, reprit Lisa soudain sérieuse.
- A quelle question ?, demanda Al ingénu.
- Quand vais-je pouvoir sortir d'ici ?
Al renifla bruyamment, puis s'essuya le nez à l'aide de son poignet.
- Désolé, ce n'est pas joli ce que je viens de faire là. Il fut un temps où je...
- Ne tournez pas autour du pot, Al. Je veux savoir. Quand votre chef, Ben va-t-il venir ? Je veux prendre l'air, sortir d'ici. Je suis votre prisonnière c'est ça ?
Al soupira :
- La décision ne m'appartient pas. Et ce que fait Ben, eh bien je ne peux pas répondre pour lui. Il va, il vient, il gère. Il passera quand il aura le temps.
- Et moi si je veux sortir d'ici, prendre la tangente ?
- Je ne pense pas que cela soit la meilleure des choses à faire.
- J'ai survécu longtemps à la surface, sûrement plus que vous.
- J'en doute pas, Lisa. Je n'en doute pas.
- Al, dites à Ben de venir. Dites à votre chef de venir me voir, je saurai le convaincre.
- Puissiez-vous avoir raison, Lisa. Puissiez-vous avoir raison. Je vais voir ce que je peux faire. Je vous le promets.
- Maintenant ?
Al soupira à nouveau puis il se leva subitement.
- Vous avez raison, Lisa. Il est temps que vous en sachiez plus. Je vais aller le chercher. A tout à l'heure.
Et il se dirigea vers la porte d'un pas décidé.
- Al ?
- Oui, Lisa ?, répondit le toubib en se retournant.
- Merci Al. Je ne crois pas vous l'avoir déjà dit.
- Non en effet. A plus tard, Lisa.
Et il sortit.
Lisa se retrouva seule dans son lit. Quelques minutes plus tard, elle dormait déjà.
Cette conversation l'avait épuisée.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyDim 3 Mai - 15:52



Ben lui rendit visite en fin de journée. Du moins c'était ce que pensait Lisa. Les heures qui suivirent la visite du toubib s'étaient écoulées en une infinie lourdeur jusqu'à rendre Lisa à moitié folle. Elle, qui n'aspirait qu'à la liberté depuis toujours... Elle qui avait cru un instant que la disparition de son bourreau allait lui procurer sur un plateau d'argent la fin de son asservissement.
Trop longtemps elle avait courbé l'échine, trop longtemps elle avait choisi de baisser la tête, de préférer la vie malgré tout. Mais désormais, après tout ce qu'il s'était passé, Lisa ne souhaitait plus que sa vie dépende de la volonté d'un autre. Elle était libre et désirait le rester jusqu'au bout. Et attendre sans pouvoir agir la rendait folle.
Durant les longues heures qui précédèrent la venue de Ben, Lisa tenta une seule fois de fuir. Elle sentait qu'elle avait repris assez de force pour cela. Mais la porte était bien évidemment verrouillée. Elle ne pouvait pas dire qu'elle ne s'y attendait pas, bien qu'elle avait espéré un instant à la négligence de ses geôliers.

Quand le dénommé Ben pénétra dans la chambre, son regard noir inquisiteur se posa aussitôt sur Lisa et il ne la quitta pas des yeux à compter de ce moment. Lisa en fit autant. Ne pas baisser les yeux sinon c'était perdu. Lisa sut de suite à qui elle avait à faire et elle devait être forte.
L'homme portait sur son visage les vicissitudes de sa tâche. Des cernes sombres et des poches noires se dessinaient sous ses yeux, rendant ses traits d'autant plus durs. Ses cheveux bruns mouchetés de gris formaient une crinière sur sa tête et lui donnait l'aspect un peu vénérable. Mais sous ce masque Lisa devinait un homme rude, méfiant et intransigeant.
- Bonjour Ben, dit-elle en se redressant sur son oreiller. Mais je vous prie, prenez un siège.
L'homme murmura une vague réponse et tira à lui l'unique chaise de la pièce pour finalement prendre place le long du lit.
Lisa laissa le silence s'installer préférant ne pas rompre ce moment d'observation mutuel. Elle savait que briser la glace trop abruptement avec ce genre d'individus était le meilleur moyen de ne pas arriver à ses fins. Ben devait parler. Elle devait le faire parler.
Ben tira de son treillis un paquet de cigarettes tout chiffonné, extirpa une clope à moitié fumée et sans hésitation la mit à sa bouche. Une allumette plus tard et il fumait tranquillement, dévisageant la femme dans le lit.
- Ok, pensa Lisa, tentative d'intimidation. Mais je ne suis pas née de la dernière pluie moi non plus. A ce jeu-là, je me débrouille moi aussi.
Elle renifla et regarda Ben en lui souriant. L'homme prit le temps nécessaire pour savourer sa clope. Tout cela prit bien cinq minutes durant lesquelles ils se jaugèrent par regard interposé. Une partie d'échecs entre deux pros.
- Vous vouliez me voir ?, demanda enfin Ben.
- Gagné !, songea Lisa avant de poursuivre. Oui, je tenais juste à vous remercier de m'avoir sauvée.
- Ce n'est pas moi. C'est le toubib qui a fait le plus gros du boulot.
- Oui, je sais. Je l'ai déjà remercié.
- Donc... ?
- Donc rien. Je voulais juste insister sur ce point. Vous auriez pu me laisser crever. Une balle dans la tête, en général, ça ne pardonne pas.
- Appelez ça de la générosité de ma part.
- Ou de la curiosité. J'imagine que vous attendez quelque chose de ma part.
- ça, ça peut se faire.
- Est-ce que je suis votre prisonnière ?
- Les questions, c'est moi qui les pose habituellement.
- Disons que je peux vous faire les questions et les réponses.
- On va se contenter des réponses si vous voulez bien. Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? Pourquoi vous promener dans le désert au beau milieu d'une horde de zombie ?
- Holà, que de questions d'un coup ! Commençons par le début si vous voulez. Mon nom. Est-ce si important ? J'en ai porté tellement ces dernières années. Lisa, Line.... Que des masques d'incertitude sur une plaine de cendres. Je ne sais plus vraiment qui je suis depuis très longtemps. Une ombre parmi les ombres. Un fantôme.
Une taffe.
- C'est pas vraiment la réponse que j'attendais...
- Mais ce sera la seule que vous aurez ! De toutes les manières, je ne pense pas que c'est ce que vous souhaitez savoir le plus.
- En effet, mais ne jouez pas trop longtemps ce petit jeu avec moi. J'ai autre chose à faire que de perdre mon temps ici.
- J'arrive d'un abri souterrain secret à plusieurs dizaines de kilomètres de Vegas.
- Connais pas.
- C'est pour ça que c'est secret.
- Et il y a encore du monde là-bas ?
- Non, je suis la dernière. Les autres sont tous morts. Les infectés.
Ben serra les dents au mot infecté, grimace qui n'échappa pas à Lisa.
- Vous préférez qu'on les appelle les zombies ?
- Et que faisiez-vous dans cet abri secret ?
- On survivait c'est tout. Depuis l'Armaggedon.
- Depuis si longtemps ?! C'est à peine croyable !
- C'est pourtant vrai. Et vous, d'où venez-vous ?
- J'ai dit que les questions, c'est moi qui les posait.
- On a le droit d'essayer, non ?
Ben prit une nouvelle taffe sous le regard vif de Lisa. Il lui sourit puis souffla à son visage une fumée âcre et à l'odeur plus que désagréable. Lisa dut se retenir de ne pas tousser mais le sourire de l'homme s'élargit d'autant plus.
- Je vais être franc avec vous, Lisa. Autant l'être au vu de votre état. Il y aurait eu que moi, je vous aurai laissée crever sans le moindre remord. J'ai assez d'emmerdes pour ne pas m'embarrasser avec vous. Alors on va arrêter de jouer, vous allez arrêter de me prendre pour un con et vous allez répondre à mes questions sans tourner autour du pot.
- J'ai pas demandé à ce qu'on me tire une balle dans la tête, j'ai pas demandé à être ici. Laissez-moi partir et je ne vous ennuierai pas plus longtemps.
- Comment avez-vous pu survivre aussi longtemps malgré les radiations dans le désert ? Pourquoi n'êtes-vous pas infectée ?
- Quelles radiations ? Jamais je n'ai entendu quoi que ce soit sur des …
- C'est ça... Vous savez, pendant que vous étiez tranquille, ça a chauffé dehors, faut pas croire.
Lisa se souvint les derniers instants avant que les portes titanesques de l'abri ne se referment. Ces lumières dans le ciel. L'horrible chant de la mort au son des ogives nucléaires.
- Je ne comprends pas, il n'y a jamais été question de...
- Franchement, y a rien à comprendre. Vous étiez coupés du monde dans votre trou à rat. J'imagine que c'était un de ces abris du gouvernement où tous les gros pontes se sont cachés pendant l'Armaggedon. Que croyiez-vous qu'il se passait pendant ce temps-là hors de votre terrier ? Hein ?! Les zombies nous chassaient comme des lapins. Ils nous traquaient, ces saloperies ! Il fallait faire des choix.
- Comme si je ne savais pas...
- Non, vous ne pouvez pas savoir ! Pas en vivant en sécurité dans votre abri. Nous, les petites gens, les sans-valeurs, on avait juste le droit de crever la bouche ouverte pendant que vous … pendant que vous...
De rage, l'homme écrasa son mégot incandescent dans la paume de sa main. L'odeur de la chair s'échappa dans l'air. Lisa détourna les yeux.
- On y est enfin. Cet homme dégouline de colère, songea Lisa. La rage couve en lui comme un feu sauvage. Il ne demande qu'à s'embraser et à enflammer tout ce qu'il y a autour.
Comment avouer à cet inconnu qu'elle aussi avait vécu les premières semaines post-apocalypse, dans les rues comme le commun des mortels. Mais elle, elle avait été une guerrière à l'époque. Loin de celle qu'elle était devenue depuis. Tant d'années à se dissimuler, à vivre cachée aux yeux des agents du gouvernement avait fait d'elle un être froid. A jamais. Tous ceux qui avaient aussi dû se terrer comme des rats lors des pires moments, elle les avait ignorés. Comme le gouvernement. Comme les militaires. Elle s'en était fichés et s'en fichait toujours. La survie n'est pas un jeu. Et elle en maîtrisait les règles.
- Je suis désolée, dit-elle en un murmure. Mais elle ne le regarda à aucun moment pour ne pas lui montrer qu'elle s'en foutait royalement.
- Lisa, ou quelque soit votre nom, je m'en fiche totalement, moi ce que je veux savoir, c'est comment une vieille dame comme vous, ait pu trouver la force nécessaire pour traverser le désert, survivre au milieu d'une horde de zombies en se tailladant un manteau de chair, sans boire, sans manger. Moi c'est ça que j'aimerais comprendre.
- Une vieille dame... ?, articula avec peine Lisa.
Mais de quoi parle-t-il ?
Ben poursuivit ses questions mais déjà Lisa ne l'écoutait plus. Elle avait levé ses mains devant ses yeux et réalisait combien elles étaient ridées, clairsemées de taches de vieillesse. Et elles tremblaient sans que Lisa sache pourquoi. Elle se mit à palper son visage et ses mains frémirent de plus belle.
- Un miroir. Avez-vous un miroir ?
Ben cessa de parler et observa la vieille dame. Elle venait de changer de couleur. Son teint blêmissait au fur et à mesure qu'elle réalisait son âge.
- UN MIROIR ! Je veux un miroir ! S'il vous plaît, s'il vous plaît...
Et Lisa s'écroula en larmes.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyMer 6 Mai - 12:24



La créature qui fut un jour Orson Links grogna de plus belle. Dépourvu de ses membres, il ne pouvait guère bouger et cela le rendait enragé. La faim le tiraillait toujours plus fort, lui dévorait les entrailles. De plus en plus fort, sans cesse jusqu'à le rendre fou. Si l'état de démence est encore possible pour un cadavre animé comme lui.
Il chassa d'un violent coup de tête le rat qui lui becquetait le crâne. Pour une raison incompréhensible, il avait survécu. La balle qui lui avait ravagé la tête l'avait épargné. Et quelques autres de ses congénères qui grouillaient non lui de lui. Ils s'agitaient comme des larves inoffensives, gesticulant dans tous les sens pour avancer.
Mais autre chose motivait l'esprit délabré d'Orson Links. Son corps démembré gisait dans ce lieu, au milieu de centaines d'autres, tous plus pourrissants les uns que les autres. Un charnier monstrueux, océan de chair en liquéfaction, charognes livrées en pâture aux rats.
Mais lui, Orson Links, sentait qu'on l'appelait. Ce cloaque nauséabond, ce collecteur d’égout aux remugles insistants ne sera pas son tombeau. Un destin hautement plus glorieux l'attendait lui, si il se donnait la peine. Son corps avait beau avoir été jeté là, dans cet antichambre de l'enfer, Orson entendait l'appel. Un amalgame de miaulements sinistres et de plaintes incompréhensibles, prononcé par des dizaines de gorges déchirées.
Tout autour, d'autres infectés, dont Orson avait vaguement conscience, s'agitèrent de plus belle, se trémoussant pour se diriger vers l'origine de l'appel. Orson sentait autre chose, quelque chose sous-jacent dans cet appel. La Faim avait pris corps et l'appelait, lui.

Orson roula sur lui-même et dévala le long de l'amas de corps en décomposition, ignorant les restes liquéfiés des cadavres. Il termina sa course en s'affalant lourde sur le sol du collecteur. Une flaque monstrueuse, mélange d'eau croupie et de fluides corporels accueillit sa chute et Orson s'enfonça aussitôt dans la fange peu profonde. Le liquide emplit ses poumons morts et réveillait dans son esprit éteint des souvenirs dépourvus de sens. Cela eut pour effet un sursaut de son vie d'avant qui le fit se redresser activement pour éviter la noyade. Mais ce n'était qu'une réminiscence jaillie de fin-fonds de ses souvenirs, un relent aussitôt oublié et il poursuivit sa progression en rampant.
Tel un insecte monstrueux, une larve sans défense, il se traîna jusqu'à l'origine de l'appel, un boyau sombre, à moitié rempli d'eau fangeuse.

Une glissade plus tard et le corps mutilé d'Orson Links se retrouva projeté à toute vitesse dans un énorme collecteur.
Ici point d'eau croupie pour accueillir sa chute. Mais une abjecte bauge, un limon de chair et d'os. Ce miasme trouvait son origine dans un amas de viande pourrissante qui trônait au centre du collecteur. Et ça bougeait, ça appelait.
Ça ressemblait à un énorme masse visqueuse, d'où émergeaient çà et là des membres et des têtes lépreuses aux yeux morts fixant le vide et aux paupières et aux bouches monstrueuses s'ouvrant et se refermant frénétiquement.
Il était le roi des rats, trônant sur son royaume de chair, une charogne gigantesque, un agrégat de corps putréfiés qui n'aurait jamais dû voir le jour et qui grouillait en un mouvement multiple. Ça était unique et en même temps pluriel, se dandinant langoureusement tandis que Ça ingérait, assimilait les cadavres.
Ça accueillit avec un ravissement à peine voilé l'arrivée d'Orson. Le grognement n'était qu'un murmure, prononcé par des dizaines de gorges décrépies, le gloussement d'une entité sans nom.
Si Ça avait eu une âme, Ça aurait souri intérieurement. Car sa Faim allait être enfin rassasiée.
L'heure du festin était proche. Et Ça assimila Orson Links.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 11 Mai - 7:52

- Tu y crois, toi, à son histoire d'abri ?
La bouche de Ben se tordit en un affreux rictus. Al savait ce que ça signifiait pour l'avoir vu un grand nombre de fois sur le visage de son vieil ami : il voulait y croire car ça pouvait être intéressant, mais... Il y avait toujours un mais.
- Ne me dis pas que tu songes t'y rendre tout de même ?, demanda Ben préoccupé. On ne sait même pas où c'est et le désert...
- N'est pas insurmontable, le coupa Al. Tu le sais bien. C'est l'occasion de vérifier cette histoire d'abri gouvernementaux. Et puis on a un guide pour une fois. C'est pas rien.
Ben n'avait pas cessé de penser à sa conversation avec la vieille femme. Elle avait poussé un tel hurlement quand elle s'était vue dans le miroir. Pour un peu, il l'aurait secouée pour qu'elle se taise. Cela l'avait remué jusqu'à dans ses tripes et il n'avait pas pu rester une seconde de plus dans la chambre avec elle. Alors cette histoire d'abri, il l'avait un peu reléguée au second plan. Mais de là, à suivre cette vieille folle dans le désert...
- Et les radiations ?, poursuivit Ben. Tu y penses aux radiations ?! T'as vu les dégâts que ça provoque !
Al soupira. Les radiations, il savait que son chef ne pensait qu'à ça. Son obsession, son angoisse. Ben souffrait de cette phobie depuis leur première rencontre. Que s'était-il passé pour que cela le ronge aussi insidieusement ? Al connaissait bien son ami : ce n'était pas un lâche, un brin prudent mais sûrement pas lâche. Il l'avait vu s'opposer à des zombies sans la moindre crainte. Et pourtant... Ben craignait par dessus tout de tomber malade, d'être rongé de l'intérieur. Et il ne se passait pas une minute sans qu'il y pense, Al le savait bien. Même si Ben espérait garder ça pour lui.
- T'as vu ce que ça a fait d'elle, les radiations, poursuivit Ben, en montrant du doigt l'hôtel où était enfermée Lisa. Je ne veux pas... on ne peut crever comme ça ! Je ne peux prendre le risque de...
- Ce ne sont pas les radiations qui l'ont mise dans cet état. Crois-moi.
- Qu'est-ce que tu en sais ? T'es docteur toi maintenant ?!
- Quand ça t'arrange hein ?, répondit Al en souriant et tapotant sur l'épaule de son chef. Je suis peut-être qu'un petit véto de campagne mais j'en sais sûrement plus que toi. Les émissions sur le câble, j'en manquais aucune.
- C'est une blague ?
- Oui et non en fait. Je peux t'assurer que des radiations ça fait pas ça. Aucune trace de brûlure, ni le moindre signe superficiel de radioactivité en elle ! Le compteur Geiger ne s'affole même pas. Je suis certain que ce qui la touche n'est pas dû aux radiations. Par contre, ce qui est certain, c'est que cette femme est bien malade...
- Alors, pour toi c'est décidé ?, s'écria Ben, le visage soudain rouge de colère, tu es prêt à risquer la peau de tout le monde pour trouver ce foutu abri !?
- J'ai pas dit ça. On doit décider ensemble. Mais pense quand même à ce qu'on pourrait y trouver. On a assez de capsule d'iode pour y envoyer une expédition réduite. Des volontaires. En une semaine, ça peut être bouclé.
- Les zombies ?
- Rien d'insurmontable. Et puis on irait en camion.
- A voir...
- Et puis t'es pas obligé de venir. On laissera une partie des hommes attendre ici. Par contre, on prendra la femme, comme guide.
- Oui, ou comme monnaie d'échange.
- C'est clair qu'elle nous a pas tout raconté, elle. Qui sait ce qui nous attendra là-bas ...
Ben prit une grande inspiration. Il était temps de prendre une décision. C'était lui le chef. C'était à lui de décider. Et ce serait à lui d'en porter les conséquences.
Une détonation toute proche le détourna de ses pensées.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?!, s'écria Al.
- Je ne sais pas, mais c'est pas normal.
Ben, son revolver déjà à la main,partit en trombe vers l'origine du coup de feu.
Il n'était pas devenu chef de cette expédition par hasard. Certes, il était rongé par une peur incontrôlable qui le faisait agir parfois étrangement. Certes sa prudence menait parfois à la léthargie du groupe. Mais il était un homme d'initiative. Et il savait agir quand il le fallait.
Et à cet instant, alors qu'il courait dans la rue déserte, Al à ses talons, il pressentait le danger.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyJeu 14 Mai - 11:59



Lisa se tenait debout, toute nue devant le grand psyché qui reflétait sa silhouette efflanquée comme un vilain cliché d'elle même. Selon Sik, ce miroir provenait d'une des chambres VIP de l'hôtel. Le Caesars Palace, pas moins que ça... Mais pour le moment, il aurait pu venir de la Maison Blanche elle-même que cela n'aurait pas changé grand chose. Ce miroir lui envoyait une triste et pathétique image de Lisa. Devant ses yeux se tenait un être à peine humain, un rescapé des camps de la mort, un cadavre sur pied.
- Ce n'est pas moi, ce n'est pas possible.
Lisa était atterrée. Non pas qu'elle considérait la vieillesse comme un délabrement de soi, bien au contraire. La scientifique qu'elle était avait longtemps travaillé sur les vieillissements des cellules et savait que c'était presque irrémédiable. Mais à ce niveau là ! La vision qu'elle avait d'elle-même à cet instant surpassait sa propre acceptation de vieillir. La personne qui se tenait là, nue comme au premier jour, ne pouvait pas être elle. Impossible. Face à elle, il n'y avait qu'un être ruiné, abîmé de l'intérieur comme de l’extérieur. Comme le personnage d'Oscar Wilde, dont Lisa avait dévoré le livre des décennies plus tôt, cet antihéros vicieux et perfide qui avait conservé sa beauté et sa jeunesse en se débarrassant de ses vices dans son portrait. Oui elle se sentait comme Dorian Gray, mais à la fin du livre. Comme si tout les pêchés qu'elle avait commis ces dernières années, remontaient à la surface et la marquaient au fer rouge. Lisa avait traversé le temps sans vieillir ou du moins sans se voir vieillir. Que n'avait-elle pas fait pour survivre ? Parfois durant ses nuits les plus sombres, les cris de ses victimes surgissaient pour mieux la hanter. Et désormais, juste retour des choses, elle dépérissait à grande vitesse. La mort la rattrapait.
Lisa Scazetti n'était plus que l'ombre de ce qu'elle avait été jadis. Auparavant, on disait d'elle qu'elle était une belle femme. On l'avait désirée, aimée. On s'était battu pour elle, jusqu'à commettre l'irréparable parfois pour mieux la posséder.
Elle n'avait plus rien de commun avec cette femme. Son corps avait longtemps ignoré les affres de la vieillesse. Mais son âme ? Elle avait supporté tout ce que son corps avait ignoré. Jusqu'à l'implosion. Comme Dorian Gray. Combien d'actes innommables avait-elle dû commettre pour en arriver là ? La survie malgré tout, sa survie sous prétexte d'un avenir serein pour tous. Elle était l'antidote, elle était la promesse d'un monde meilleur. Qu'en était-il désormais ? Avait-elle échoué ? Sûrement. Et son âme ? Salie à tout jamais. Et son corps en portait les stigmates indélébiles.

Lisa résista à l'envie de détourner le regard et de s'enfuir. Face à elle, se tenait une vieille femme, les cheveu ras et les épaules tombantes. L'incarnation de la sénescence. Une être voûté, effrayant, qui semblait porter le poids de son âge sur ses épaules. Une femme ou plutôt une harpie, si fatiguée, si lasse de vivre. Sa poitrine, autrefois si opulente, avait subi l'attraction terrestre avec un regain de violence et pendouillait comme d’infâmes gants de toilette sur son ventre. Mais surtout çà et là sa peau avait pris cette teinte grisâtre que Lisa avait déjà pu observer sur des cadavres plus très frais. Des taches pâles mouchetaient son corps. Lisa les observa de plus près : c'étaient plutôt des croûtes, surface asséchée de cloques immondes. Nullement gorgées de pus, elles ressemblaient plus à des pustules, sorte de gale foudroyante. Sa peau mourait et cette desquamation en était la confirmation.
Suivrait la déliquescence de ses organes. Car c'était ainsi que le processus de décomposition fonctionnait sur le corps humain. Lisa n'ignorait rien tout ça. Elle savait que c'était le prix à payer pour ce qu'elle avait fait. Le coût de la damnation.

Lisa relevait difficilement les yeux. Les bandages masquaient encore son visage mais elle devinait dessous les ravages du temps. Aussitôt elle se noya dans le reflet de son regard. Encore une once d'humanité, au beau milieu du puits sombre de son âme.
A l'aide de ses mains fébriles, elle ôta doucement le bandage. Lisa grimaça quand finalement elle dut arracher quelques fibres de coton prisonnier dans sa chair meurtrie, faisant du coup suinter un liquide jaunâtre de ses plaies. Lisa se trouva un air de boxeur, genre Raging Bull. Son visage était tout bosselé, une tronche de punching-ball. Il était très gonflé à gauche, surtout au dessus de sa bouche, là où la balle avait pénétré pour se loger dans sa tête. Son nez était empâté et ressemblait à un gros chou-fleur. Sa narine gauche semblait avoir fondu pour s'agglomérer avec sa joue. Respirer par le nez était problématique et assez douloureux. Al se disait vétérinaire, pas médecin. Ça se comprenait. Il avait dû échouer dans l'épreuve des sutures. Lisa aurait esquissé un sourire à cette idée si elle l'avait pu. Mais son esprit était trop déconfit pour y songer, ne serait-ce qu'un instant. Avec cette tête monstrueuse, son moral s'envolait vers le néant.
Lisa chuta lourdement au sol, ses genoux frappant violemment le carrelage froid. Son monde s'écroulait, son âme réduite en miette n'avait plus la force d'animer ce corps détruit.
- A quoi ça sert de vivre ?
Elle se roula en boule, envahie par une vague infinie de désespoir. Pour un peu, elle aurait voulu disparaître dans le vide. Oublier.

Puis les coups de feu résonnèrent.
Et les cris.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyLun 18 Mai - 7:54

- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?!!
Ben enrageait de voir la dizaine de zombies qui gisaient là, étendus sur le bitume comme de vulgaires poupées de chair, fauchées par les rafales de tirs automatiques. .
- Je ne comprends pas, répondit un des hommes dénommé James, présent à ses côtés. On les a pas vus venir ceux-là de là-haut.
Il désigna une des tours derrière lui. Un homme en haut d'une terrasse répondit à son geste en levant la main. Fusil à lunettes et situation en hauteur, cela faisait pourtant de cette position un lieu idéal pour surveiller cette extrémité du camp.
- Rien vu du tout, reprit James. Ils sont sortis de la ruelle et c'est à ce moment-là qu'on les a remarqués.

Ben regarda aux alentours. A part lui, James et trois autres types, la rue qu'il désignait était totalement déserte. Au fond la palissade de bois semblait en bon état. Pas d'autres zombies déferlant sur eux par un quelconque passage. A croire que ces monstres seraient donc apparus comme ça, par magie. Impossible, Ben ne pouvait se résoudre à y croire. Il hésita un instant avant de laisser sous-entendre que James aurait pu avoir failli à sa tâche. Puis il se ravisa quand il vit arriver Al et les deux autres cyno, précédés de leurs trois molosses. Le véto lui annoncerait la couleur et Ben saurait s'il devait faire un exemple ou pas. Ces derniers temps, ces hommes lassés d'être ici, commençaient à être un peu trop indolents à son goût. Et pour lui, c'était source de problèmes.
- Alors ?, demanda Ben.
Le véto, à bout de souffle, ne put que faire non de la tête en haletant.
- La palissade ?, demanda Ben.
Al leva la main pour indiquer qu'il reprenait son souffle puis montra son pouce. Il n'avait plus vraiment l'âge pour ce genre de course, ça et le manque d'entraînement régulier en faisait un candidat tout trouvé pour un infarctus. Ben le savait que trop. Mais Al persistait à vouloir se trouver en première ligne. Avec son chien. Combien de temps pourrait-il tenir ?
Un des hommes plus en forme que lui, et surtout nettement plus jeune prit la parole tout en caressant son chien, un massif rottweiller.
- Tout est ok, chef. Pas un trou. Rien du tout. Ils sont pas arrivés de par là.

Ben se passa la main sur son visage, recouvert de sueur. Le soleil tapait fort en cette journée. Et la course effrénée qu'ils avaient faite, Al et lui, jusqu'ici n'avait pas arrangé les choses. Si le véto était aux portes de l'évanouissement, Ben, lui était complètement trempé et se sentait tout collant. Un sentiment désagréable qui le mettait mal à l'aise. Ses compagnons semblaient de rien ressentir de cela, ce qu'il trouva étrange pour le coup. Puis il songea que son combat au corps à corps avec un des zombies en étant peut-être la raison. Tandis qu'il lui pulvérisait le crâne à coup de crosse de M16, Ben réalisa qu'il avait été aspergé de ses fluides cervicaux. Une expérience pour le moins désagréable quand on y songe. Et surtout malodorante. Pour une raison que Ben ignorait, le zombie était une vraie éponge, au corps suintant.
L'idée qu'il ait été infecté traversa son esprit à la vitesse d'une Indycar. Il eut soudain des sueurs froides et le monde se mit à tourner autour de lui. Ben dut faire des efforts incommensurables pour ne pas céder à la panique et courir jusqu'à la salle de décontamination.

A côté de lui, Al aurait pu le rassurer s'il n'était toujours pas en train de récupérer son souffle. Je suis trop vieux pour ces conneries là, lui soufflait une petite voix dans la tête. Mais Al était trop têtu pour le reconnaître. Il préférait être là, dans l'action, au premier rang pour exploser la tronche des zombies plutôt que cultiver un pan de terre dans l'Oregon. Jamais ça. Plutôt crever. Il avait d'ailleurs cru qu'il allait mourir dans cette inspection rapide de la clôture. Il savait que c'était la seule et unique solution pour éviter le pire, mais avec les petits jeunes. La leçon avait été dure. On réapprend vite l'humilité. Le véto avait plus que du mal à récupérer : il se tenait toujours penché, la tête dans le vide, les mains posés sur les genoux, haletant comme lors d'une violente crise d'asthme. Une crise d'asthme, ce ne serait vraiment pas le moment, surtout là où ils se trouvent.
A cet instant, Al cessa de respirer, préférant se concentrer et ignorer sa respiration le distraire. Car une image horrible venait de naître dans son esprit.
- Ça va vieux ?, demanda un type du nom de Jerry qui avait accompagné Al lors de son inspection de la palissade.
Le véto répondit que non en hochant de la tête. Il reprit sa respiration mais celle-ci dégoulinait de panique. Al releva la tête et chercha à se concentrer pour prendre la parole.
Ben, préoccupé par son état éventuel, s'éloigna de ses hommes et entreprit de regarder au loin. Les pores de sa peau suintaient de sueur. L'angoisse montait en lui comme un raz-de-marée, un tsunami de panique en barre.
- Bon, ça répond pas à notre question ça, reprit James. Ils viennent d'où ceux-là alors ? La zone avait bien été nettoyée quand on est arrivé non ? Ils arrivent d'où ces zonzons ?
- Al, tu vas bien ?, demanda Jerry en s'approchant du véto.
Soudain, alors que Al allait répondre, les trois chiens se mirent subitement à pleurer, tout en tournant sur eux-mêmes dans une spirale diabolique. Puis ils rentrèrent leur queue entre leurs pattes et se mirent à aboyer à l'unisson. Al cracha un énorme mollard ensanglanté à ses pieds. Il était blanc comme un linge et sa respiration restait rapide. Trop rapide.
- On s'est fait baiser, murmura-t-il entre deux hoquets. On s'est fait baiser...
Et il s'essuya la bouche d'un revers de la manche.
- Quoi ?! Qu'est-ce que tu dis ?!, demanda Jerry
- C'est un piège. Pour nous attirer ici. Et on est tombé dedans !
A ses mots, Ben aurait dû se retourner, réagir mais il était tellement préoccupé qu'il ne le fit pas.
C'est à peine s'il entendit les cris et les coups de feu qui retentirent à l'autre bout du camp.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyJeu 21 Mai - 7:58

Les rafales de tirs automatiques se raréfiaient invariablement pour ne laisser régner les grognements que Lisa ne connaissait que trop. Le camp avait été surpris par cette attaque d'infectés. La situation atteignait le point de non-retour, celui où le destin, pervers, n'offrait plus que deux solutions : se cacher ou être dévoré.

Dès les premiers coups de feu, Lisa s'était habillée en toute hâte, l'instinct de survie résultant de plusieurs années d’expérience lui permettant de faire abstraction de son émoi et de la faiblesse de son corps pour agir avec célérité et justesse. En fouillant dans le placard à balai qui occupait le fond de la chambre, elle avait trouvé un jean déchiré et un t-shirt noir arborant un AC/DC défraîchi. Ces vêtements avait sûrement connu des jours meilleurs sur le torse duveteux d'un adolescent chevelu, mais qu'importe. Elle s'en contenta sans hésiter. Lisa sourit même, bien malgré elle, en revêtant le jean, en songeant à l'allure que cela devait lui donner, elle, désormais une vieille peau, avec ce look de grunge.
Elle ne trouva ni chaussures, ni chaussettes. Ce fut pieds nus sur le carrelage qu'elle s'approcha des rideaux fermés pour jeter un coup d'œil à l’extérieur. Depuis son réveil, ces derniers demeuraient fermés pour maintenir la pièce dans l'ombre et faciliter son repos sans aucun doute. Mais en fait, il n'y avait pas de fenêtre derrière, seulement un mur. Les rideaux étaient là pour la forme, une décoration dans sa prison dorée. La seule issue pour en sortir demeurait la porte par laquelle ses rares visiteurs pénétraient dans la pièce.
Soudain un voile sombre passa devant son œil gauche et le recouvrit.
- Manquait plus que ça, jura-t-elle entre ses dents.
Elle appuya sur sa paupière comme pour en expulser le voile. En vain. Il ne lui restait que le droit pour voir. Était-ce dû au morceau de métal qui lentement s'avançait vers son cerveau ou bien son corps qui lui échappait, se dégradait très rapidement. Son temps était de toutes les manières compté, elle le savait et quelque part elle l'accueillit avec soulagement.
La rédemption ne s'achète parfois qu'avec la mort.

Prise tout à coup de vertige, Lisa vit le paysage de la pièce se mettre à tournoyer. Elle recula doucement jusqu'à s'asseoir sur le bord du lit. Du bout des doigts, elle se mit à tâter le renflement que formait la balle. Cette dernière se trouvait sous l'os nasal mais cela déformait totalement son visage qui n'était plus qu'un amas de bosses et d'hématomes. Il devait être affreux.
Dans sa tête, les images défilèrent à toute vitesse. Theresenstadt, Berlin, Dallas, la mort de Wilhem, de Garisson. Et Eisenheim... Ils étaient tous morts désormais. Il ne restait plus qu'elle et sa cruelle malédiction. Comme pour se rappeler à elle, un cri horrible émergea doucement de son esprit, celui d'un enfant juste avant de mourir. Elle en avait entendu tellement... Lisa se boucha les oreilles, mais c'était inutile. C'était dans sa tête. Dans sa mémoire. Le cri devint légion et elle eut l'impression que son cerveau enflait jusqu'à l'implosion. Son crâne irradiait sous son bandage. Les ravages de la conscience. Ou de la folie.
Elle ne put s'empêcher de hurler. Un long cri, plein de rage et de haine. Inhumain.
Et tout cessa.
Lisa secoua la tête, autant pour se ressaisir que pour en chasser les miasmes d'images qui persistaient encore. Geste incongru et complètement inutile mais réflexe incontrôlable s'il en était. Puis, ignorant ses étourdissements et sa forte envie de vomir ses tripes sur le carrelage, elle se releva péniblement et se dirigea d'un pas lent vers la porte. Mais alors qu'elle allait l'ouvrir, un grattement soudain la fit réagir.
- Y a quelqu'un ?, osa-t-elle.
Le grattement cessa un instant puis reprit avec un peu plus d'intensité. Un grognement grotesque s'éleva répondit à son appel. Un infecté !
Lisa relâcha la poignée et s'arc-bouta contre la porte. Bien lui prit car quelques instants plus tard, elle vit la clenche lentement s'abaisser puis un léger contre la paroi de la porte. L'infecté cherchait à rentrer. Lisa se colla à la porte, priant pour avoir la force de résister, tandis que de l'autre côté, la pression de l'autre côté s'accentuait.
Dehors les détonations s'étaient interrompues. Seul le grognement de satisfaction derrière la porte montait en volume.
- Vite m'en débarrasser, sinon il va en attirer d'autres !
Lisa chercha du regard ce qui pourrait lui servir. Puis son œil valide tomba sur la chaise près de son lit. Elle devait agir vite, ne pas laisser le temps au monstre de réagir.
Elle prit une grande inspiration et se rua du mieux qu'elle put sur la chaise.
Ce qui suivit dura à peine quelques secondes. Alors que ses mains s'emparaient de la chaise en bois, elle entendit derrière elle la porte s'ouvrir. Lisa fit un tour sur elle-même tout en brandissant son arme improvisée vers ce qui venait de rentrer dans la pièce. La chaise en heurta de plein fouet la tête.
Le choc fut terrible. La chaise explosa en mille morceaux. Lisa, par la violence du coup, relâcha bien malgré elle les restes de la chaise et recula avant de tomber lourdement sur les fesses. Le monstre fut propulsé en arrière et heurta brutalement le mur derrière lui avant de tomber à son tour au sol.
Le grognement devint geignement, mais il ne cessa pas pour autant.
Couché sur le dos, l'infecté se mit à s'agiter frénétiquement dans tous les sens, dans l'incapacité de contrôler son corps. Lisa, terrassée par l'effort qu'elle venait de fournir, tenta de se relever, mais ça restait difficile. Elle aurait voulu rester couchée, fermer les yeux et dormir. Mais elle n'avait pas ce droit. Sa propre survie dépendait de sa célérité, de son obstination. Ne pas céder. Lisa roula sur elle-même pour pouvoir se mettre à genoux, puis ignorant les douleurs de son corps vieillissant, elle se releva en geignant. Elle avait si mal. Elle aurait voulu abandonner, s'abandonner. Mais le désir de vivre était plus fort.
Lisa s'empara d'un morceau de la chaise, un pied au bout bien acéré et s'approcha le dos courbé, de l'infecté. Ce dernier était toujours au sol, remuant dans tous les sens comme conscient de sa fin toute proche. Il se mourait, une partie de son crâne était fendu et sa cervelle s'en échappait furtivement.
Mais ce n'était pas ça qui fit hésiter Lisa. Car cet infecté était différent des autres. Son corps n'était qu'une boursouflure, un amas de chair putréfiée, un assemblage de membres sans lien apparent. Ses bras étaient différents : l'un était visiblement celui d'une femme, fin et aux doigts effilés tandis que l'autre bras appartenait visiblement à un obèse tatoué. Ses jambes étaient du même ordre. L'être avait été reconstitué en un puzzle monstrueux, une créature difforme, innommable. Une chose qui ne devrait pas être.

Lisa resta ainsi coi à considérer le monstre. Quelques instants d'inattention qui faillirent lui coûter la vie. Elle ne dut sa survie qu'au retour de sa vision sur son œil gauche. Lisa aperçut un mouvement infime et leva juste à temps le morceau de bois pour parer l'attaque d'une autre de ces créatures. Mais emportée par l'assaut du second monstre, Lisa ne put s'empêcher de chuter au sol avec l'infecté contre elle.
Par terre, Lisa détourna à temps son visage tandis que le monstre, le pied de chaise dans la bouche, s'agitait tout contre elle. Les ongles labouraient la chair nue de ses bras, mais Lisa n'en avait cure, seul lui important d'utiliser ce qui lui restait de vigueur pour repousser les morsures mortelles.
L'infecté était la rage incarnée. Ses dents se brisaient sur le manche de bois mais il s'acharnait encore et encore.
De sa main libre, Lisa tâta les environs. En vain. Alors, elle planta ses doigts dans les yeux du monstre. Un liquide nauséabond s'en échappa, coulant sur le visage de Lisa, s'infiltrant dans sa bouche, dans son nez. L'infecté ignora ces blessures et renouvela son attaque déchirant les flancs offerts de ses ongles.
Alors dans un effort démesuré, renforcé par le désir de survivre, Lisa attrapa le reste de cheveux du monstre et tira sa tête en arrière.
- Crève saloperie !!
De sa main gauche, elle dégagea le bout de bois et le poussa dans un des orbites. L'infecté planta ses mains griffues dans les épaules de Lisa et l'attira à lui pour mieux la mordre. De ses deux mains, Lisa s'accrocha à la tête de l'infecté et la plaqua tout contre elle. Le bout de bois mit fin à la misérable existence de l'infecté quand il transperça la cervelle moisie. Le corps sans vie du monstre cessa de bouger et écrasa une Lisa épuisée.
Dans un ultime effort, elle repoussa le cadavre immobile. Elle se releva ensuite, le souffle court, le corps meurtri. Puis elle arracha le morceau planté dans l'orbite de l'infecté.
L'autre créature, haletant, ne contrôlant toujours pas les spasmes de son corps monstrueux, tendait une main menaçante vers Lisa. Sa cervelle n'en finissait pas de s'écouler, mais la mort n'avait pas daigné lui accorder le repos éternel.
D'un geste las, Lisa repoussa la main du monstre puis sans la moindre hésitation, lui planta le bâton dans l’œil.
Sans attendre, le souffle haletant, Lisa retira d'un coup sec son arme et se dirigea vers la porte en chancelant.
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyMar 26 Mai - 7:47

- Putain...
Les mots manquaient à Al. Devant lui s'étendait un véritable désastre. Une fumée noire et grasse envahissait une partie du camp dévasté. Un des camions finissait de brûler et les flammes commençaient à envahir l’annexe de l'hôtel tout proche et menaçaient les deux autres véhicules restants. Des traces de tirs automatiques recouvraient de leurs empreintes les façades toutes proches. Le camp était totalement désert, offrant un paysage de mort, une peinture de sang et d'effroi. L'attaque avait duré à peine 15 minutes, juste le temps pour Ben et son équipe de se rendre compte de la diversion qui les avait éloignés. Mais cela avait suffi pour réduire à néant leur implantation durable à Vegas. Tous les autres étaient tous morts. Plus de vingt personnes dont les corps avaient disparu.
D'un signe de la main, Ben ordonna sans attendre qu'on déplace les camions restants tandis qu'il courut s'emparer d'un extincteur.

Le combat fut âpre, mais quand le feu fut enfin éteint, tous se retrouvèrent, les sens aux aguets et le souffle court au milieu de la rue. Les huit hommes ressemblaient à des mineurs de fond, le visage noir comme la suie et le regard perdu dans ce paysage de mort.
Dans la rue qu'ils avaient bouclée pour établir leur campement, la fin de l'incendie permit à leur esprit de se concentrer sur l'essentiel. Les stigmates des combats brefs mais acharnés étaient omniprésents. Ils recouvraient les murs et le bitume de sang et de viscères. Mais aucune trace de cadavres, que cela soit des leurs ou de zombies.

- Où sont les corps ?, demanda James. Où sont les putains de corps ?
James haletait, sa respiration était très rapide. Ses mains tremblaient. La situation était si inexplicable que la peur suintait par tous les pores de sa peau. Il ne put s'empêcher de s'écrouler au sol sur ses genoux, et de se cacher le visage entre ses mains noires.
Personne ne pouvait lui vouloir. Chacun vivait son angoisse à sa façon mais elle vrillait les tripes de tous à la manière d'une centrifugeuse. Surtout que James n'était pas un lâche, ni même une simple recrue dont les nerfs lâchent. Ce grand gaillard était un vétéran, il avait participé à des missions bien plus difficiles que celle-ci et il avait su affronter à chaque fois la menace avec courage. Mais cette fois-ci, la menace semblait autre. Plus immatérielle. Et puis pour James, son frère était parmi les disparus.
- Johnny, Mark ? Où êtes-vous ?!, hurlait Al en caressant son chien de combat. Calme, Riley, calme.
Le berger allemand, rompu à ce genre de situation comme ses deux autres congénères tremblait littéralement sur place. Les trois chiens avaient rentré leur queue sous eux et gémissaient doucement. Quelque chose les terrifiaient. Cela semblait venir d'un peu partout car les chiens étaient redevenus de petits chiots pleurnichards.
Ben, quant à lui, semblait avoir retrouvé un semblant de sang-froid et de détermination. Il n'avait pas été choisi chef de cette expédition par hasard. Son esprit pragmatique comprit l'urgence de la situation et le fit réagir avec rapidité et prudence.
- Bon les gars, je crois qu'on peut faire une croix sur notre mission. On peut dire désormais que notre expédition est foutue.
- Tu déconnes, mec, gémit James. Y avait 20 types ici. Vingt hommes armés et ils ont disparu. Et tu parles de la mission ?!
- James, calme-toi, dit Al, ça sert à rien de se prendre le chou. Ben n'y est...
- Y avait mon frère parmi eux, tu comprends ?! Y avait mon frère !!!
- On le sait tous, déclara Sik, en apposant une main réconfortante sur l'épaule de James. Ce dernier se releva de toute sa hauteur en serrant les poings.
Sik se cambra s'attendant à être repoussé, mais James lui adressa un sourire, mais son regard s'emplit de détermination.
- En tout cas, je sais pas pour vous. Mais moi je vais aller chercher les copains et si je trouve ceux qui ont fait ça et je leur arrache la tête.
- Tu me laisses finir, James. Merci, déclara Ben sèchement. La psychologie n'était pas son fort et son ton de voix n'épousait pas toujours ce qu'il pensait au fond de lui. On comprend tous que ça te fout en l'air mais là on doit agir avec intelligence. Sinon on va crever comme des cons. Mais foutue pour foutue, la mission, n'est pas un réel fiasco quand même. On ne va pas partir d'ici sans ce que nous avons déjà trouvé ici. Vous trois, (il désigna Sik et deux autres hommes) vous fouillez les restes du camp et vous récupérez un max de munitions, de grenades et tout ce qui n'a pas été utilisé. On en aura besoin pour faire le nettoyage. James, toi avec Alen et Mike, vous allez voir si y a pas des putrides ou des nôtres qui se seraient planqués dans l'hôtel. Vous faites toutes les chambres. Par contre, On évite tout contact si trop nombreux. Sinon élimination direct et discrètement. Ok ?
- Ça marche Ben, dit Alen.
James avait les yeux dans le vague, mais la perspective de se faire un ou deux zombies semblait le calmer quelque peu. pour un temps.
- Vous vous fiez aux clébards. Si vous voyez que ça craint, on se donne rendez-vous aux camions. Et on décolle direct.
Tous répondirent à l'affirmative avant de s'élancer dans le camp dévasté au pas de course.
- Al, nous, on va voir la vieille est toujours là. Je pense qu'elle ne nous a pas tout dit et qu'elle a sûrement des choses à nous raconter.
- Tu comptes pas aller vers cet abri qu'elle nous parlait ?
- Pas maintenant non. Mais elle fait une belle prise à ramener. On a tout perdu ici, alors foutue pour foutue, cette mission peut bien se terminer pour nous. Parce que franchement, je pense pas qu'on va apprécier qu'on revienne les mains vides.
- Je la sens pas moi cette nana-là. Sous ses aspects de vieille peau innocente, je sens qu'il y a autre chose. Riley aussi ne la sent pas.
- Peut-être, mais réfléchis bien à ça : on ne peut pas revenir au camp de base sans rien et là on a tout perdu. Et des hommes en plus. C'est direct la cage ! Ou le bannissement. Et je serai pas tout seul à tomber. Lenny n'est pas un type à se laisser conter des histoires. Quand il va apprendre que le camp a été attaqué, et qu'on a laissé faire ça, il va pas chercher à comprendre. On va tous y passer. Alors que si on revient avec une carte au trésor...
- Et cette carte, c'est la vieille ?
- Oui.
Al se passa la main sur le visage. Ben avait raison, il le savait bien. Mais en fait de trésor, qui sait ce qu'il avait dans cette ruine souterraine ?
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptySam 30 Mai - 8:03



- Eh bien, je crois que le problème est réglé.
Al retenait son chien pour qu'il n’approchât pas les deux corps nus qui gisaient au sol. En même temps, il couvrait Ben qui s'avançait prudemment, son arme à la main. Il tâta le plus proche du bout de son canon. C'était un être immonde, indescriptible. Un amas de chair, à la fois homme et femme, composés de pièces de puzzles mal agencés ensemble. La première image qui vint à l'esprit de Ben fut ces couvertures rapiécées, raccommodées à l’extrême. L'être devant lui ressemblait à ça.
- On dirait un pneu crevé. T'as vu sa peau ?, murmura Al qui ne quittait pas des yeux le deuxième zombie allongé sur le lit.
- ça me fait penser aux couvertures de ma grand-mère. Elle arrêtait pas de les réparer avec des morceaux de tissus qu'elle retrouvait par-ci, par-là. Par contre y avait pas l'odeur.
Devant lui, le patchwork de chair faisandé n'en finissait pas de lentement fondre. Ben passa le canon du fusil sur la peau nue et secoua un des innombrables bourrelets de chair.
- T'as vu sa peau. C'est comme si elle avait été sucée, recraché, resucée pour finalement donner... ça. Beurk.
- Je pensais avoir tout vu, mais alors là. C'est quoi à ton avis ?
- Je sais pas mais ça me plaît pas. En tout cas, il a eu son compte,, déclara Ben en désignant le visage du monstre. Une bouillie de cervelle s'échappa par le trou que formaient anciennement ses orbites. Elle coulait littéralement par les orbites de ses yeux tel un œuf sur le plat.
- Elle s'est acharnée dessus ou quoi ?!
Ben haussa les épaules pour répondre son incompréhension à la question de son ami. Puis il se releva et s'approcha du deuxième cadavre. Il reposait la moitié du corps sur le lit, exposant un dos flasque et putride.
- On dirait que celui-là a reposé dans une fosse septique, murmura Ben en se couvrant le bas du visage.
- Ah c'est ça l'odeur ? Dégueu ! C'est quoi qu'il a dans le bas du dos. Là !
Des masses noires grouillantes croissaient en bas des reins du monstre.
- Des sangsues. Je me demande ce qu'elle peut sucer là-dedans...
- Pff, c'est pas vrai. Qu'est-ce que c'est que cette merde !!
- T'as vu la taille des bestiaux ? C'est la fête pour elles.
Ben en détacha une et la fit tomber sur le sol. La bestiole gesticula un instant avant que Ben ne décide de l'écraser à l'aide de son talon. Un jus noir s'en échappa tandis qu'un relent nauséabond se répandit dans la pièce.
- Avant, ça puait, mais maintenant c'est pestilentiel, s'écria Al qui se couvrit le bas du visage à son tour.
- Je voulais que tu sentes ce que je me bouffe depuis 5 minutes. A quoi ça te fait penser ?
- A ma fosse, je te l'ai dit. Avant que je ne la fasse vider. A un gros tas de merde bien faisandé. Même la merde des chiens sentent meilleurs.
- C'est ça. Ils viennent des égouts. C'est pour ça qu'ils ont passé nos défenses sans qu'on voit rien. Ils sont arrivés du dessous !

A l'aide de son pied, il repoussa le corps boursouflé du lit et le retourna sur le dos. Lui non plus ne représentait plus une menace. Son crâne ouvert de part en part laissait échapper sa cervelle.
- Pour une vieille, elle se débrouille vachement bien. Finalement je ne sais pas si elle a réellement besoin de nous, s’exclama Al, surpris par la scène.
- Ouais, pas mal. Surtout elle nous laisse sur un plateau en argent la tronche de nos agresseurs. Car à part eux deux pas d'autres cadavres. Les autres sont tous partis.
- Tu parles d'une tronche... C'est pas les zombies de d'habitude ça.
- Rien n'est normal dans cette histoire. Des zombies qui font une attaque coordonnée sur un camp ultra-protégé, en jouant sur la surprise en isolant les forces adverses et en rembarquant leurs pertes et des prisonniers. J'y crois pas de trop. On a à faire à autre chose que ça.
- Et tu penses à quoi ?
- Pour le moment, je sais pas de trop. Mais j'ai bien l'impression que la vieille, Lisa, elle en sait plus qu'elle n'a voulu nous le dire.
- Tu crois vraiment ?, s'étonna Al.
- Bah, regarde, répliqua Ben en revenant vers la porte. On est installé ici depuis des semaines. Tout va bien, tranquille. Elle arrive et BAM ! On se fait attaquer par une horde énorme qui arrive du désert. Jamais ils arrivent par le désert. Et là ils arrivent en masse et avec la Lisa déguisée en zombie. Masque de peau et tout et tout. On la récupère, on la soigne et quand finalement elle va un peu mieux, 2ème attaque surprise et cette fois-ci plus de camp.
- Franchement, tu crois que c'est elle qui aurait pu faire ça ?! Elle aurait appelé les zombies ? Et ces deux cadavres ? Elle les a tués pour faire semblant ?
- C'est une possibilité. Je pense surtout qu'elle les attire. Et en attendant elle s'est barrée et nous on est plutôt mal si ils devaient revenir.
Le talkie-walkie à la ceinture de Ben se met soudain à grésiller.
- Oui, qu'est-ce qu'il se passe ?, demanda-t-il soudain inquiet.
- Je crois qu'on a retrouvé un des nôtres, déclara la voix tremblotante de Sik. Enfin ce qu'il en reste...
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MessageSujet: Re: Golem de chair   Golem de chair EmptyVen 5 Juin - 7:33

Un jus informe gicla tandis que la brique terminait brutalement son course contre le crâne du zombie. Le choc fut si terrible que Lisa en lâcha la pierre. Le monstre quant à lui fut repoussé sur le côté. Lisa se releva alors avec peine. Cinq minutes qu'elle tentait de se libérer de l'infecté qui avait jailli de l'ombre par surprise. Cinq minutes que le monstre la maintenait au sol et tentait de lui arracher la gorge. Lisa roula sur elle-même, ignorant la douleur qui irradiait dans le bas de son dos et tenta de se relever. Du coin de l’œil, elle aperçut le zombie, un masque de fureur crispant son visage à la mâchoire pendante. Voyant sa proie tenter de s'enfuir, il se mit à rugir avec férocité.
Lisa s'empara de sa barre de fer qu'elle avait laissée tomber lors de l'assaut surprise et s'en servit pour se relever promptement. De son côté, le monstre n'en était pas en reste et il voulut se jeter directement sur elle mais tout ce qu'il réussit à obtenir, ce fut un swing du plus bel effet que n'aurait pas renier un golfeur professionnel. La tête du zombie décolla vers l'arrière, sa mâchoire pendante se détacha sous le choc et le monstre tomba sur le dos. Lisa boita jusqu'à lui et le frappa, frappa sans s'arrêter jusqu'à que son crâne finit par éclater. Le corps sans vie se mit à trembler quelques instants avant de cesser de bouger pour de bon.
Lisa recula alors, le souffle court, le cœur à l'agonie, le sang battant dans ses tempes à la vitesse d'une locomotive. Elle trouva appui sur la barre de fer sanguinolente, manquant de peu de s'écrouler au sol à son tour. Finalement elle s'appuya sur le mur tout proche.
Son cerveau était en ébullition. Cette fois-ci avait failli être la bonne. Pour un peu, elle y serait restée. L’infecté l'avait attaquée par surprise, en silence, comme s'il attendait qu'elle s'approche de sa position pour mieux lui sauter dessus. Il était impensable que ce monstre ait su lui tendre un guet-apens. Lisa avait suivi ses traces suite à l'attaque du camp. Elles l'avaient menée jusqu'à une bouche d'égout et c'était là où elle l'avait aperçu. Il marchait l'air hagard, comme tous les zombies d'ailleurs. Mais en même temps, il ne semblait pas errer, mais suivre une direction bien précise. Sa curiosité avait pris le pas sur la prudence et elle l'avait suivi. Jusque là. Jusqu'à ces sombres couloirs qui avaient failli être son tombeau.
Son expérience de la survie en prenait un réel coup car jamais à sa connaissance, ces monstres avaient possédé la faculté de penser. Les zombies ne réagissaient même pas par instinct. Ils agissaient c'était tout. Ils n'avaient pas plus d'intelligence qu'un nouveau-né, leurs capacités mentales étant annihilées lors de la transformation. Ils n'avaient pas pour habitude de surgir de l'ombre pour se jeter sur leurs proies ! Seuls les réflexes conditionnés de Lisa lui avait permis de survivre à cet assaut surprise. Si les zombies se mettaient à disposer d'un minimum d'esprit d'initiative, ce qui restait de l'humanité avait bien de soucis à se faire.
Son cœur semblait se calmer. Fort heureusement le spectre de la crise cardiaque s'éloignait. Pour le moment. Mais la lutte l'avait totalement épuisée. Son corps autrefois si vigoureux et musclé était désormais son principal point faible. Elle ne pouvait plus compter sur lui. Frustration de disposer de l'esprit de la jeunesse dans un corps usé. Son organisme semblait œuvrer à sa perte tant le fait de se mouvoir lui causait de plus en plus de souffrance et d'épuisement. Les affres de la vieillesse. A une autre époque, il y a longtemps, Lisa avait cherché à lutter contre ce qu'elle appelait "la dégénérescence des cellules, cette maladie incurable". Elle en connaissait tous les symptômes. Et désormais c'était elle qui en souffrait et à vitesse grand V.
Le jus de cervelle n'en finissait pas de s'écouler du crâne du zombie. Lisa était toujours étonnée par ce liquide noir qui suintait longtemps après la mort d'un infecté. A son grand regret, ses expériences concernant ce fluide ne l'avaient pas mené bien loin faute de temps. Son origine demeurait toujours un mystère ainsi que ce qu'il pouvait faire dans le cerveau. Tous les cadavres qu'elle avait pu autopsier avaient toutefois le même schéma interne : des organes nécrosés, un système sanguin et lymphatique remplacés par ce tout nouveau réseau inédit. Il pénétrait tout le corps et trouvait sa source au cœur du bulbe rachidien. C'était pour cette raison qu'elle persistait à appeler les monstres qui peuplaient désormais la surface des infectés et non des zombies. D'une certaine manière, ils n'étaient pas réellement morts, du moins une partie de leur cerveau. Quant à infecter un être vivant pour finalement étudier son comportement et ensuite l'autopsier, elle s'était toujours refuser de le faire, ou plutôt on ne lui avait pas laissé le temps d'y songer.

Mais elle n'aurait pas hésiter bien longtemps si elle avait su qu'un jour les infectés allaient être capable de réfléchir et de prendre des initiatives. Un nouveau domaine qu'elle aurait étudier avec acharnement si on lui en avait laissé le temps.

Lisa sentit tout à coup une présence tout près d'elle. Elle serra fortement la barre de fer, prête à décocher un nouveau swing mais en se tournant rapidement, elle ne vit personne. Elle demeurait seule dans le couloir.
Pourtant son instinct lui indiquait que quelque chose l'observait, là tapi dans l'ombre. Repoussant les limites de la douleur de son corps usé, elle prit alors la décision de pénétrer dans les ténèbres, prête à en découdre, sans se douter que c'était justement ce qu'on attendait d'elle.
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